Avec leur approche fonctionnelle, les nouveaux designers imaginent un avenir infini aux produits.
Des cartons, des bouteilles de plastique, des boîtes de conserve, des canettes en aluminium, des journaux… Délicatement découpés en forme d’amande sur une structure en papier mâché, ces matériaux de recyclage ont créé la surprise, lors de la dernière Brighton Fashion Week début octobre, en habillant un mannequin d’une robe sexy aux couleurs automnales. Réalisée à la demande de Veolia par les stylistes du studio Dumpster Design, cette démonstration devait illustrer « la beauté cachée » de l’économie circulaire. « Mission accomplie », jubile la compagnie.
Avec le design, le déchet espère trouver une nouvelle légitimité qui facilite son recyclage dans les objets de consommation courante. « Là où d’autres ne voient que des rebuts, nous identifions des opportunités et des ressources », explique Brieuc Saffré, cofondateur de l’agence Wiithaa, créée il y a deux ans pour construire des stratégies de design autour des flux de produits des entreprises. Afin de délivrer la bonne parole, elle vient de mettre en ligne un « “business game” de l’économie circulaire », Upcyclopoly, utilisant des ressources ludiques pour aider les entreprises à construire leur « business model » en circuit fermé. « L’esthétique est la dernière brique qui vient après avoir conçu l’organisation permettant la production de nouveaux objets », précise Brieuc Saffré.
Une cinquantaine de clients
Son agence est ainsi intervenue chez le fabricant japonais de filtres pour fosses septiques Wako Plastic dont le produit était devenu obsolète. De nouvelles applications leur ont été trouvées, notamment comme supports de murs et de toits végétaux rendus obligatoires en ville pour les constructions de plus de 100 m2. Mais surtout, l’agence a fait entrer dans l’usine un roseau présent dans son environnement pour produire un bioplastique à partir duquel elle fabrique des matelas puzzle pour les enfants. L’objet, proposé en leasing aux crèches, est renvoyé à l’usine une fois usé, où il peut être recyclé à l’infini. « Le design circulaire peut sauver un modèle à bout de souffle, résume Brieuc Saffré. C’est une approche objective puissante qui remet en question toutes les étapes de production et transforme une source de coûts en opportunités économiques, sociales et environnementales. »
Son discours commence à porter. Depuis sa création, l’agence a séduit une cinquantaine de clients, parmi lesquels BlaBlaCar, La Poste, Nespresso, ou encore la boutique éphémère Barbie Factory. Wiithaa participe, également, à des shows alternatifs comme le Festival d’obsolescence reprogrammée – Make It Up qui met en compétition des équipes de designers pour inventer des produits connectés à partir d’objets récupérés. La dernière édition a vu naître, par exemple, un ingénieux grille-pain intégrant des caches pour imprimer sur sa tartine tout un tas de dessin ou de flashcodes. Le prototype intéresse, paraît-il des industriels de « l’ancienne économie ». La boucle est bouclée.
Source : Les Echos