A Paris, les récents pics de pollution ont remis en question la pertinence de la gratuité des transports. Dans la capitale on se rend compte que cette offre n’a aucun impact sur l’incitation à abandonner la voiture. Si des usagers sont volontaires, la qualité des infrastructures et la fiabilité des services sont mis en cause. A Barcelone, le gouvernement propose 3 ans d’abonnement à toute personne acceptant l’abandon de sa voiture. En Europe, les mesures économiques pour inciter à l’utilisation des transports en commun ne manquent pas d’imagination. Si la bonne volonté ne manque pas, les décisions sont en général encore frileuses. Seule Tallinn, capitale estonienne, s’est décidée à passer le cap. Cela fait maintenant 4 ans que la gratuité des transports a été votée par référendum. Aujourd’hui, quel bilan la ville dresse-t-elle de cette expérience ? Pour quelles raisons Tallinn a choisi de parier sur la gratuité des transports ?
A partir de 2008, l’Estonie n’a pas été épargnée par la crise économique. La précarité augmente et les transports, déjà financés à hauteur de 70% par l’Etat, sont désertés. Face à cette réalité et à l’urgence sociale qui en découle le gouvernement lance un référendum sur la gratuité des transports dans la capitale en 2012. L’idée est environnementale bien sûr, mais le processus doit également soutenir le pouvoir d’achat des estoniens et lutter contre la désertion des transports en commun.
Quelles modalités ?
Pour bénéficier de la gratuité des transports, la seule condition est d’être résident à Tallinn. Les 419.830 citoyens domiciliés ont donc du faire la demande de la carte verte auprès de la municipalité, accompagnée d’un investissement de 2. Ils doivent ensuite la personnaliser par internet ou dans un bureau de poste.
Ceux qui ne résident pas officiellement à Tallinn peuvent acheter leur billet auprès des chauffeurs de bus et de tram, ou bien se procurer la même carte verte et la recharger avec des tickets payants. Les transports en commun demeurent gratuits pour toute personne âgée de plus de 65 ans.
Bilan : Tout le monde fait des économies, et la ville gagne même de l’argent !
La fréquentation des transports en commun a considérablement augmentée. Alors qu’à Paris l’investissement de 1,9 milliards d’euros a permis une augmentation de 0,9%, la gratuité des transports a permis une hausse de la fréquenation de 8%.
En plus de favoriser l’usage des transports en commun, la municipalité gagne de l’argent ! Avant la gratuité des transports, la ville finançait en grande partie des dépenses liées aux services de transports en commun. Les abonnements constituaient 12,5 millions d’euros, soit près d’un quart des frais liés à l’entretien du réseau. Aujourd’hui, le service est entièrement financé par la ville.
En plus d’être gratuits, les transports dégagent des bénéfices! En effet, l’accès à ce service est conditionné par la résidence à Tallinn. De fait, de plus en plus d’estoniens se domicilient dans la ville et paient donc les impôts. En trois ans, ce sont 25.000 habitants supplémentaires, soit une augmentation de 6%, que la ville a accueilli. La Ville estime que 100 résidents rapportent un million d’euros.
Pour les ménages, la gratuité des transports constitue également des économies. Pour une famille de deux adultes et deux enfants, la gratuité devrait permettre d’économiser environ 600 euros par an. Ce qui n’est pas négligeable dans un pays où le salaire mensuel moyen est de 900 euros.
Seule ombre au tableau : si la gratuité des transports a permis une augmentation de sa fréquentation, elle n’a pas engendré de baisse considérable de l’utilisation de la voiture. La qualité des transports en commun hors de la ville est mise en cause. Un challenge que la ville de Tallinn se propose de relever. Pour rendre la ville aux piétons et aux usages doux, elle prévoit la promotion du vélo, l’extension de la gratuité des transports, l’augmentation des prix des places de parking, voire la mise en place d’une taxe sur la circulation des voitures.
Le modèle estionien en fait rêver plus d’un. Bucarest, en Roumanie, et Chengdu, en Chine, se sont récemment rapprochés de la capitale pour s’en inspirés. Pourtant, si ce système fait son chemin sera-t-il aussi bénéfique pour des villes de 2 et 14 millions d’habitants. Ce modèle est-il transposable et aussi profitable à toutes les échelles urbaines ?