La société NextAlim mise sur l’élevage d’insectes pour répondre à deux enjeux majeurs : nourrir 9 milliards d’êtres humains et valoriser nos déchets.
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Le jour où ils ont appris qu’il fallait trois poissons sauvages pour produire un poisson d’élevage, Jean-François Kleinfinger et Raphael Smia en ont acquis la conviction : il faut inventer un autre modèle pour produire des protéines. Un modèle qui ne participe pas à la destruction des fonds marins, dans le cas du poisson, ou à la déforestation massive, dans celui de la viande.
Pour produire des protéines sans détruire la planète, ils ont alors pensé aux insectes. En 2014, après une phase d’étude, ils ont fondé dans la Vienne la start-up NextAlim, spécialisée dans l’élevage de ces derniers, aussi appelée l’entomoculture.
Méconnue en Occident, cette pratique y nourrit souvent des préjugés négatifs. Pourtant, les deux ingénieurs se revendiquent fièrement “éleveurs de mouches”. Selon eux, les insectes en général et les mouches en particulier peuvent être un maillon essentiel dans le développement d’une nouvelle économie : plus circulaire, plus locale, permettant de lutter contre le gaspillage et de produire des matières premières locales.
Protéines et lipides pour l’alimentation animale et la chimie verte
Techniquement, les deux entrepreneurs entendent “valoriser les bio-déchets par l’insecte dans le but de produire protéines et lipides pour l’alimentation animale et la chimie verte“. Concrètement, l’entreprise récupère des produits inutilisés dans l’industrie agroalimentaire, les invendus des magasins et les restes alimentaires des collectivités. Contribuant ainsi à offrir une seconde vie à des produits dont personne ne voulait jusqu’alors.
Une fois récoltés, les déchets servent de nourriture à des larves de mouches. Lorsque celles-ci atteignent l’âge adulte, elles sont transformées en huiles ou en matière protéinique, qui pourraient être utilisées pour nourrir poissons et volailles ou dans la chimie verte : biocarburants, fertilisants, etc. Elles peuvent également être utilisées dans la recherche entomologique – encore très peu développée -, afin de développer de nouvelles solutions médicales ou énergétiques à partir des insectes.
Les nombreux avantages de la mouche
L’entreprise ne travaille qu’avec des mouches, la “black soldier fly”, plus précisément. Car cette dernière est “la plus efficace en terme de bioconversion”, souligne Jean-François Kleinfinger.
Cette mouche présente en effet de nombreux avantages : elle n’est pas nuisible, ne transmet pas de maladies, tant à l’animal qu’à l’homme, et métabolise les déchets sans en produire elle-même.
D’autre part – et c’est ici le cas de la majorité des insectes -, elle s’élève hors-sol et se multiplie très rapidement. On peut ainsi obtenir des volumes très importants dans des délais très courts.
L’équipe de NextAlim, qui a fait ses débuts “dans une grange” en 2013, reçoit aujourd’hui la subvention la plus importante du Programme d’investissement d’avenir de l’ADEME. Son prochain objectif : valoriser trois tonnes de déchets par jour et ainsi produire une tonne quotidienne d’insectes d’ici le second semestre 2016. Puis, en 2017, valoriser trente-cinq tonnes par jour de déchets, pour une production de dix tonnes d’insectes.
Une application encore compliquée
Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que l’entomoculture devienne une réelle alternative dans le traitement des déchets et la production de nourriture animale et humaine.
D’abord parce que la législation européenne interdit l’utilisation de produits carnés pour l’alimentation des animaux d’élevages terrestres. Et même si elle autorise l’usage de farines animales pour les poissons, elle ne permet pour l’instant pas de se servir d’insectes car ceux-ci ne sont ni vertébrés, ni tués dans un abattoir. Pour l’heure, la consommation de protéines issues des insectes n’est donc autorisée que pour les animaux domestiques (chien, chat…), et tolérée pour l’homme.
Dernier obstacle : alors que cela ne présente pas ou peu de risque pour la santé, l’utilisation d’insectes pour nourrir les animaux et les hommes ne fait pas forcément bon ménage avec les moeurs occidentales.
Mais les deux fondateurs de NextAlim en sont persuadés : la législation, comme les mentalités, pourraient évoluer rapidement. Et permettre “dans un futur très proche” un développement de leur solution à l’échelle industrielle en France.