En quelques années, les smartphones ont pris un essor considérable. Mais beaucoup de nos objets connectés finissent leur vie dans une poubelle, générant toujours plus de déchets. Le think tank britannique Green Alliance a proposé 6 modèles alternatifs d’économie circulaire, leur offrant ainsi un second souffle. L’innovation ? Au-delà de l’obsolescence du matériel, la prise en compte de nouveaux leviers d’action : les applications, et le business model des acteurs du secteur.
Des mobiles à usage unique, ou presque : fin 2013 en Europe, on estimait la durée de vie moyenne d’un smartphone à un peu moins de 2 ans. Selon une enquête des opérateurs, celle des téléphones portables français chute même à 18 mois, contre 8 ans en Inde.
Or les déchets électroniques, très polluants, restent encore peu ou mal recyclés dans le monde. En 2010, près de 89% des mobiles américains terminaient leur vie dans une décharge.
Autant dire que le secteur a des progrès à faire. Dans son dernier rapport, le think tank britannique Green Alliance, qui s’est focalisé sur la Grande-Bretagne, les États-Unis et l’Inde, propose 6 modèles économiques alternatifs à celui du “tout jetable” actuellement en vigueur. Leur objectif : allonger la durée de vie des smartphones, en intervenant au niveau matériel, applicatif, et économique.
Le carbone caché de la téléphonie mobile
Première recommandation, de simple bon sens : inciter les utilisateurs à garder leur appareil plus longtemps. Selon Green Alliance, prolonger l’utilisation d’un an permettrait de réduire l’empreinte carbone d’un téléphone de 31%. D’autant plus que l’impact environnemental des smartphones augmente avec leur évolution technique. Ainsi, fabriquer un iPhone 6 plutôt qu’un iPhone 4 génère presque quatre fois plus de carbone.
Des applications pour diagnostiquer une panne
Autres préconisations : faire réparer son smartphone lorsque c’est possible, et collecter les pièces détachées pour reconditionner des mobiles fonctionnels. Mais Green Alliance distingue aussi des leviers d’actions innovants du côté des applications.
Parmi les idées avancées : des systèmes d’exploitation “de seconde vie”, permettant de continuer à faire fonctionner un smartphone lorsque le fabricant n’assure plus cette garantie logicielle (suivi réalisé sur une vingtaine de mois pour Samsung, une dizaine pour Nokia).
Mais aussi : des applications de “diagnostic” permettant d’évaluer si un appareil doit être jeté ou non. Un des modèles propose même d’externaliser la puissance de calcul des smartphones sur le cloud. Une façon d’éviter l’obsolescence technique trop rapide du matériel.
Un frein, cependant : l’inertie des modèles économiques déjà en place. Car c’est sur les business models des acteurs de la filière qu’il faudrait agir pour concrétiser les initiatives proposées. Mobiliser et inciter les fabricants, les développeurs d’application et les opérateurs est donc essentiel. Mais le principe séduit déjà. Google ne s’y trompe pas, et travaille depuis 2013 à concevoir un smartphone modulaire. Son nom de code ? Le projet ARA. Le prochain prototype devrait être disponible en juin 2015.
Des modèles pour la France ?
Certains des projets proposés ne sont pas envisageables partout dans le monde. Par exemple, l’externalisation sur le cloud n’est possible que là où les infrastructures sont suffisamment développées pour permettre la transmission d’important volumes de données. De même, les compétences en réparation informelle (hors support technique constructeur) ne sont pas forcément suffisamment présentes dans les pays développés.
Qu’en est-il de la situation française ? Erwan Fangeat, ingénieur service produit efficacité matières à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise des énergies (ADEME), dresse un état des lieux : “Environ 50% des équipements informatiques et de télécommunications mis sur le marché sont collectés en bout de chaîne par un éco-organisme pour être recyclés“, explique-t-il. “Nous n’avons pas de chiffre pour les seuls smartphones, mais leur taux de collecte est vraisemblablement moindre. À l’achat d’un nouveau smartphone, beaucoup de personnes oublient l’ancien dans un tiroir”.
Il précise en outre qu’en France, “le business model de la téléphonie a déjà beaucoup changé avec l’arrivée d’un quatrième opérateur téléphonique. Auparavant, les opérateurs historiques vendaient les téléphones portables à crédit. Leur coût était intégré dans le prix de l’abonnement, auquel le client était engagé pour une période définie. Le compétiteur a changé la donne en proposant des forfait bon-marché, mais nécessitant d’acheter des mobiles nus, au prix fort”.
Une incitation de plus à prolonger la durée de vie de son appareil pour le consommateur français. La collecte et le recyclage des Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques (DEEE) ménagers est déléguée par les fabricants à des éco-organismes. En partenariat avec ces derniers, des initiatives de réemploi et de reconditionnement existent déjà, comme par exemple celle des Ateliers du Bocage.
Le marché de l’occasion est d’ailleurs promis à un bel avenir, similaire à celui de l’automobile. Selon un analyste de Bernstein, il devrait passer de 53 millions fin 2013 à 257 millions en 2018.
Source : Novethic