La ville de Paris a décidé de soutenir la végétalisation de 100 hectares de toits et de façades, dont un tiers consacré à la production de fruits et de légumes. Plus de 30 projets ont été retenus pour la première édition des Parisculteurs, choisis pour montrer que « l’agriculture urbaine, c’est rentable ».
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Des fraises et des tomates juste en face des arènes de Lutèce (5e arrondissement), de l’horticulture à côté du cimetière de Belleville (20e), du houblon et de la bière sur le toit de l’Opéra Bastille (12e)… l’agriculture urbaine gagne du terrain à Paris : seize arrondissements sur vingt accueillent un ou plusieurs projets du « Parisculteur », appel à projets dont la Mairie a annoncé les lauréats jeudi 3 novembre.
Lancé au printemps 2016, cet appel à projets est la première étape de l’« Objectif 100 hectares » officialisé par une charte le 11 janvier dernier : d’ici à 2020, la capitale veut atteindre le chiffre de 100 ha de toits, murs et façades végétalisés, dont un tiers au moins devrait produire des fruits et légumes. « Le temps est venu pour les métropoles de relever de manière locale les défis de la souveraineté alimentaire et du changement climatique », a dit en conférence de presse Pénélope Komites, l’adjointe chargée des Espaces verts et de la Nature à la ville de Paris.
Pour cette première édition des Parisculteurs, les 33 projets retenus représentent une surface totale de 5,5 ha. « Ce premier jury est un démonstrateur, une vitrine pour montrer que l’agriculture urbaine à Paris est possible et rentable », a poursuivi l’élue, saluant « l’imagination et l’inventivité »des 144 projets envoyés par près de 70 prestataires.
Budget minimaliste mis à disposition des lauréats
L’arbitrage fut parfois difficile, à l’image des 5.300 m2 de toiture de l’Opéra Bastille, projet le plus emblématique du concours : le Journal du dimanche, qui a pu assister aux délibérations, raconte qu’il a fallu étudier pour la même surface un projet de vignoble visant à faire un vin baptisé « Clos de la Bastille », puis un projet de roseraie destiné à produire du sirop et de la tapenade de rose. C’est finalement le candidat Topager qui a emporté la mise avec son projet de ferme maraîchère assortie d’une houblonnière murale d’environ 200 plants ; la microbrasserie qui est prévue devrait en tirer plusieurs centaines d’hectolitres de bières par an. Le document de travail de ce projet intitulé « La Brize de la Bastille » prévoit une production de 5.580 kilos par an de plantes aromatiques, petits fruits, jeunes pousses et légumes, ainsi que 500 kilos de houblon.
Un engouement que certains acteurs du secteur ont pris soin de relativiser : « On a l’impression que la mairie de Paris vient d’inventer l’agriculture urbaine… observe Antoine Lagneau, qui vient de publier une note sur le sujet pour la Fondation de l’écologie politique. Il y a toute une histoire et l’expérience du mouvement associatif depuis plusieurs années déjà. »
On peut d’ailleurs s’étonner de l’absence parmi les lauréats de Vergers urbains, association phare dans ce domaine, qui avait pourtant postulé sur trois sites différents. « Mais on n’était pas en phase sur le modèle économique », dit sobrement Sébastien Goelzer, l’un des responsables. Comprendre : avec un budget minimaliste mis à disposition des lauréats, les projets retenus l’ont souvent d’abord été pour leur potentiel marchand.
« On peut regretter que Parisculteur ait privilégié à ce point l’univers start-up et nouvelles technologies au détriment des autres fonctions, plus sociales, de l’agriculture urbaine », analyse un observateur. Un constat largement assumé du côté des commanditaires : « Ce n’est pas un problème de gagner de l’argent avec l’agriculture urbaine, c’est même l’objectif de montrer que c’est rentable ! » répond Guillaume Morel-Chevillet, de l’Astredhor, l’Institut technique de l’horticulture, qui assurait l’assistance à la maîtrise d’ouvrage auprès de la ville de Paris pour cette première édition des Parisculteurs.
Une deuxième est d’ores et déjà programmée pour l’année prochaine. D’ici là, certains des projets auront probablement connu leur première récolte. L’élue en charge du dossier en est convaincue : « C’est une petite révolution culturelle et culturale à Paris. »