L’agriculture urbaine est en pleine essor et ce partout dans le monde. La ville de Paris, bien qu’en retard sur les autres capitales, n’en est pas en reste. Elle veut être pionnière dans ce domaine en France. Voici les avantages de cette agriculture d’un genre nouveau, ainsi que les projets qui se mettent en place dans la capitale française.
Après la délocalisation du marché international des Halles à Rungis, la capitale s’est progressivement vidée de ses maraîchers. C’est dans ce contexte que l’école AgroParisTech (école d’ingénieur d’agronomie), en partenariat avec l’association « Potager sur les Toits », s’est lancée dans un projet d’agriculture urbaine sur les toits de ses bâtiments. Vous trouverez ces jardins en hauteur rue Claude Bernard, dans le quartier latin. Le projet se nomme T4P (Toits Parisiens Productifs Projet Pilote), il est mené par l’équipe AU de l’école et dirigé par la chercheuse Christine Aubry. Original, le projet répond à plusieurs problématiques d’importance capitale.
Les toits, espace clé de l’agriculture urbaine
Les grandes villes sont de plus en plus surchargées. Elles manquent d’espace alors que, pour des raisons écologiques, il est de plus en plus question de consommer local. Paris n’échappe pas à la règle étant l’une des villes les plus denses d’Europe et du Monde. De plus, ses sols urbains sont pollués et ne peuvent être réutilisables en culture. Dès lors, l’agriculture sur les toits se présente comme une drôle de solution face à ces problèmes en n’occupant aucun espace « horizontal » tout en s’abstrayant de cette pollution des sols. En effet, les expérimentations montrent qu’une grande partie de la pollution urbaine n’atteint pas les toits, la qualité des aliments est donc peu ou pas affectée.
Un circuit court valorisé
Le grand intérêt et objectif des potagers urbains est de fournir de la nourriture localement. En produisant à même la ville, les transports sont très limités ce qui a une incidence directe pour la pollution émise. Conséquence : les fruits et légumes sont frais et vendus sans intermédiaires. Par ailleurs, il est possible de revaloriser des variétés anciennes (tomates, salades, pommes,…), qui furent progressivement supprimées au profit de variétés qui résistent aux longs transports. Recherchées par les restaurateurs, ces variétés anciennes sont connues pour avoir un goût meilleur et sont parfois plus riches en nutriments.
Vous trouverez un autre de ces de ces jardins potagers sur le toit d’un immeuble géré par la Régie immobilière de Paris (RIVP), dans le 13e arrondissement. Celui-ci fait 250 m2 et sa production est destinée aux 22 familles qui vivent dans le bâtiment.
Des bénéfices sociaux inattendus
L’agriculture urbaine peut créer des emplois, à condition que les projets soient viables. Mais au-delà de l’obsession pour l’emploi, ces jardins sont également des lieux de partage, d’échange, de convivialité. De manière générale, les citadins, petits ou grands, n’ont que peu de liens avec la nature. L’agriculture urbaine, par l’éducation qu’elle procure, peut leur permettre de se reconnecter à la nature. A cet effet, un jardin associatif est venu s’installer en 2009 sur le gymnase des Vignoles, dans le 20e arrondissement. Ce lieu accueille des étudiants et des personnes en situation d’isolement ou de détresse dans le cadre d’un programme d’insertion.
Et l’écologie dans tout ça ?
Ce type de jardin ne permet pas à l’eau de pénétrer dans le béton, évidemment, comme elle pourrait se perdre dans les sols. Elle reste donc dans la terre et est disponible plus longtemps pour les plantes. Elle peut également subir un léger traitement et être réutilisée dans certains cas. Pour le bien-être des plantes, il faut cependant veiller à ce que les sols ne soient pas engorgés.
Un second avantage est le recyclage des déchets organiques. Selon les chercheurs d’AgroParisTech, le compost de détritus verts urbains est bénéfique pour les plantes et est souvent synonyme de meilleur rendement. Ce compost urbain permettrait donc de valoriser les déchets organiques des citadins, produisant en échange légumes et fruits, eux-mêmes à l’origine de futurs déchets organiques compostables. Le cercle vertueux du recyclage est bouclé !
Leurs études démontrent également que la biodiversité répond très favorablement à ces projets. On observe par exemple la prolifération des vers de terre, considérés comme les ingénieurs du sol. Les oiseaux et les abeilles pourraient également trouver nourriture et refuge dans ces zones vertes. De ce fait, ces jardins urbains viennent se coupler positivement aux projets de ruches urbaines qui existent déjà dans Paris.
Selon Christine Aubry, ingénieure de recherche à l’INRA, ces initiatives « vont progresser car elles apportent des réponses variées aux besoins des urbains, qui se rejoignent sur plusieurs fronts : 1) Se reconnecter à l’alimentation – d’où viennent les produits ? 2) Consommer local en espérant des bénéfices environnementaux et 3) Pouvoir « pratiquer soi-même » et se « relier à la nature dans la ville » » . Anne Hidalgo, maire de Paris, emboite le pas au mouvement en annonçant sa volonté de mettre en place « 100 ha de toits végétalisés, dont 30 ha productifs ».
Ces projets ne sont que quelques exemples symboliques qui témoignent d’un intérêt grandissant des citadins pour l’écologie. Ils montrent la voie de zones urbaines nouvelles fondées sur le partage, le local, le bien-manger et le contact avec la nature. En effet, les villes devront s’inscrire dans un monde en changement. Les villes qui consomment aujourd’hui la majorité des ressources planétaires devront s’adapter coûte que coûte.
Source : GoodPlanet