Repenser le sens, la responsabilité et la stratégie. Un impératif.
L’économie mondiale traverse une crise aiguë, marquée par une croissance ralentie mais aussi par un affaiblissement de la réputation des entreprises. Dans un article « Creating Shared Value », publié dans la « Harvard Business Review » en janvier-février 2011, le professeur de stratégie Michael Porter invitait les entreprises à dépasser la recherche du profit comme unique boussole et à faire de leur responsabilité sociétale un moteur stratégique. Cette réinvention du sens, de la responsabilité et de la stratégie des entreprises apparaît plus que jamais salutaire. Elle passe par trois voies.
1/ Refuser la tyrannie des arbitrages entre parties prenantes
On apprend dans les bonnes écoles que la finalité de l’entreprise est la création de valeur pour les actionnaires. Les critères d’évaluation des dirigeants, mis en avant par les comités des rémunérations et les instances spécialisées en matière de gouvernement d’entreprise telles qu’ISS et Glass Lewis, sont centrés sur la notion de « shareholder return ». Cette recherche de la création de valeur est parfois opposée au maintien des emplois de l’entreprise, si on en croit la réaction provoquée par certains plans de licenciement dits « boursiers ». Or tout entrepreneur sait que la réussite de l’entreprise passe avant tout par la satisfaction des clients et des équipes compétentes et mobilisées. L’entreprise implique de fait un ensemble de parties prenantes – employés, clients, fournisseurs, actionnaires, communautés au sein desquelles elle intervient. Vouloir les opposer serait une politique à courte vue. La rentabilité dans la durée nécessite des clients satisfaits, des employés motivés et qualifiés, des fournisseurs qui travaillent en partenariat étroit avec l’entreprise, et un environnement harmonieux. Les meilleures entreprises s’attellent à satisfaire simultanément ces différents objectifs.
2/ Ordonner les impératifs
Mais la satisfaction simultanée de ces impératifs ne suffit pas, il convient aussi de les ordonner. En premier, l’impératif humain, qui sous-entend d’avoir des équipes qualifiées, correctement équipées, et pleinement mobilisées. En deuxième, l’impératif business : avoir des clients et les servir efficacement. En troisième, l’impératif financier, c’est-à-dire rémunérer correctement les apporteurs de fonds. L’excellence sur le plan humain conduit à l’excellence en termes de business, qui produit l’excellence en matière de performance financière. La rentabilité est ainsi un impératif et un résultat. Elle n’est pas la finalité. La finalité de l’entreprise relève de sa mission, une mission au service de ses parties prenantes et de la société.
3/ Parier sur un nouveau fer de lance de la stratégie
Dans nombre d’entreprises, la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) est un sujet marginal, souvent confié à la direction de la communication. A l’inverse, certaines entreprises font de leur responsabilité sociétale un sujet essentiel et central de leur stratégie. Elles s’attellent à définir ce qu’elles font autour d’un besoin fort des clients qui va jusqu’à incorporer une dimension sociétale. Elles reconnaissent aussi qu’un mal sociétal peut générer un coût pour l’entreprise, à l’instar des gaspillages d’énergie, des accidents du travail ou de problème de santé des employés. Investir pour capter ces opportunités et traiter ces maux peut être un élément important d’une stratégie. Des exemples ? En voici quatre tirés du monde de la distribution. D’abord, les produits électroménagers économes en énergie. Ces produits – les nouveaux thermostats connectés par exemple – peuvent constituer un facteur de développement des ventes et d’économies d’énergie bon pour la planète. Deuxième illustration : les services gratuits de recyclage des produits électroniques et électroménagers. Ces derniers, offerts par la société Best Buy à ses clients, stimulent les ventes et aident à préserver les ressources de la planète. La promotion de la diversité est une troisième source de progrès sociétal. Les entreprises qui promeuvent la diversité (en termes de genre, de culture, d’orientation sexuelle, d’âge ou d’origine ethnique) dans leurs effectifs sont mieux en mesure de satisfaire les besoins d’une clientèle diverse et facilitent l’intégration des « minorités » dans le monde du travail. Enfin, les programmes dits de « Wellness » aident les employés à améliorer leur hygiène de vie et sont un facteur de productivité et de réduction des dépenses de santé pour l’entreprise et de mieux-être pour ses employés.
En résumé, les entreprises qui font de la responsabilité sociétale un élément central de leur stratégie peuvent trouver de nouvelles sources de croissance et faciliter la sortie de crise de l‘économie mondiale.
Source : Les Echos