Adopter l’économie circulaire suppose de passer d’un monde à l’autre : de la surconsommation et du tout jetable à un juste prélèvement de la ressource et au recyclage. Une révolution nécessaire dans laquelle s’impliquent les acteurs de la mobilité. En route vers de bonnes pratiques.
Le modèle de croissance linéaire qui consiste à prélever, fabriquer, consommer et jeter a fait long feu. A l’échelle mondiale, l’extraction de ressources a augmenté de 80% entre 1980 et 2000. Soit 70 milliards de tonnes de matières extraites de la biosphère pour répondre aux besoins de l’humanité. Si rien n’est fait, ce sera trois fois plus en 2050, alerte le Programme des Nations Unies pour l’Environnement.
Pour les constructeurs, équipementiers et autres acteurs de la mobilité prêts à changer les usages et à adopter un mode de production plus responsable, la clé se trouve peut-être dans le concept d’économie circulaire. Vaste programme à considérer avec précaution au risque de le vider de sa substance.
Sept piliers pour ancrer la transition
Au service de l’économie et de l’évaluation du ministère de l’Ecologie, Stéphane Coquelin recommande deux guides pour s’en convaincre. L’un est une bonne entrée en matière pour créer des synergies allégeant à la fois cette pression sur les ressources et les rejets de polluants : « il complète utilement celui de l’Ademe sur les stratégies d’économie circulaire ». A l’Ademe justement, Jacques Deschamps, directeur de l’action régionale, remarque qu’« il n’y a nulle recette magique ni modèle pré-mâché mais sept piliers à l’économie circulaire ». Qui sont les suivants : approvisionnement durable, écoconception, écologie industrielle, économie de la fonctionnalité, consommation responsable, allongement de la durée d’usage, recyclage et valorisation des déchets. Libre à chacun de les articuler avec d’autres initiatives.
Chiffres-Clés : l’économie circulaire dans l’automobile > Découvrir
Terme relativement nouveau, l’économie circulaire s’appuie sur des outils que les acteurs de la mobilité s’approprient depuis les années 1990. Mais ont-ils pris une longueur d’avance ? « Partout des freins persistent : la linéarité a façonné les cahiers des charges et les habitudes de travail. Selon les entreprises, il y a des résistances au changement plus ou moins tenaces », observe Rémi Beulque, ingénieur de recherche en économie circulaire chez Renault, dans un Mooc (module d’enseignement à distance) consacré à cet enjeu. Mais chez Renault, « on est convaincu que l’automobile est un objet dont les caractéristiques sont très favorables à l’approche de l’économie circulaire. Les produits manufacturés peuvent être fabriqués au moindre coût énergétique et réintégrés dans le processus de production sans générer de déchets, grâce à leur réutilisation, leur réparation ou leur re-fabrication. » En interne, le constructeur s’est doté d’un plan d’action. Pour fabriquer des véhicules en puisant le moins possible dans les ressources naturelles, il veille à ce qu’ils soient réparables, faciles à déconstruire et intègrent des matières recyclables et recyclées. A l’horizon 2016, Renault vise le ratio de 33 % de matières recyclées sur la masse totale des nouveaux véhicules produits en Europe. Et pour les matériaux plastique, un taux de 20 % devrait être atteint cette année. Un travail de longue haleine.
De l’approvisionnement à l’écoconception
En centre automobile, l’économie circulaire passe par un bilan des flux entrants et sortants. Mais aussi par la mise en place de bonnes pratiques.
Exemple : un garage dans l’Essonne a modifié son approvisionnement en huile, passant du bidon au fût pour réduire ainsi ses déchets générés. Une initiative distinguée par le Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). Preuve que les solutions les plus simples sont parfois les meilleures.
Mobivia Groupe implique également ses centres automobiles. « Nos enseignes font beaucoup de choses connues en interne, l’enjeu est maintenant de mieux les valoriser auprès des clients », constate Marie Lepers au service RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise) du Groupe. Et de donner un exemple d’action porteuse : « pour la reprise d’une ancienne batterie chez Norauto ou chez Midas, un bon d’achat est délivré au client. »
Autre bel exemple d’économie circulaire allégeant l’empreinte carbone de la mobilité : l’engouement que suscite le biogaz, qui provient de la transformation naturelle de la matière organique (biodéchets). Une fois transformé, ce carburant peut être utilisé pour des flottes de bus, comme c’est le cas à Lille ou Créteil (réseau RATP).
Chez l’équipementier Plastic Omnium, les efforts de R&D déployés pour l’aspect et la qualité du plastique recyclé ont payé. Il est désormais employé pour la fabrication d’éléments de carrosserie ou des réservoirs de carburant. Les constructeurs apprécient. Simultanément s’affirme une autre tendance : l’utilisation de sous-produits naturels pour des applications automobiles. Mousse de soja nichée dans les appuie-têtes, chanvre dans les panneaux de porte… ces matériaux intéressent les constructeurs car ils permettent d’alléger le poids des véhicules. Hors pneumatiques, ces derniers contiennent déjà de 1 à 2 % de produits bio-sourcés.
Le potentiel du remanufacturing
Anticiper les pénuries, sécuriser les approvisionnements : ces questions sont au cœur des préoccupations des constructeurs. Et s’il y a bien dans ce secteur un maillon efficace, qui alimente l’économie circulaire, c’est celui du reconditionnement ou réemploi. Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron vient de lui offrir un écho, saluant la performance de ces pièces détachées, qu’il s’agit de rendre « encore moins chères mais à qualité maîtrisée ». Chez Renault, on vante « cette offre qui permet d’économiser environ 80 % d’énergie, d’eau et de produits chimiques par rapport à la fabrication d’une pièce neuve ». Une usine du groupe dans le Val-de-Marne lui est consacrée, d’où sortent chaque année 30 000 moteurs et 20 000 boîtes de vitesse remanufacturés. L’activité requiert une main d’œuvre qualifiée et contribue à l’allongement de la durée de vie des véhicules, en maintenant l’essentiel de la valeur ajoutée des organes d’origine. La pratique du remanufacturing a un fort potentiel de développement selon la Fondation Ellen MacArthur, qui estime que le secteur emploie 350 000 personnes aux Etats-Unis, contre seulement 35 000 en Europe… pour un parc automobile équivalent.
Migrer vers une économie de l’usage
Les progrès techniques et l’appétit pour une consommation responsable sont également portés par l’information au consommateur. En témoigne la généralisation des étiquettes énergétiques sur les produits et dans les points de vente pour doper le commerce. L’étiquetage est même devenu obligatoire sur les pneus depuis 2012. Une preuve que l’achat d’un bien ne se suffit plus en soi : ses usages interrogent et appellent des explications. D’une niche, l’éco-conduite est aussi devenue un domaine dans lequel entreprises et clients réclament du savoir-faire et de l’expertise. Volkswagen et Fiat proposent ainsi des programmes dédiés sur leurs modèles : eco:Drive et Think Blue.
Le passage à une économie de la fonctionnalité, qui signifie qu’on remplace la vente d’un ou plusieurs biens par leur usage, créé un marché à forte innovation. Surtout, il
n’empêche pas un attachement à la propriété. « Pour la vingtaine de voitures utilitaires électriques que nous venons de vendre à l’ascensoriste Schindler France, il y a un contrat de vente. Mais la batterie, elle, est louée, ce qui satisfait le client », confirme Patrice Bardin, directeur commercial de Bolloré. Même logique chez Michelin où l’on ne vend plus un pneu au client mais une performance au kilomètre parcouru. Précurseur, le manufacturier propose depuis 2002 un service complet de gestion des pneus aux entreprises de transport routier, lesquelles ont majoritairement souscrit. Avec ses solutions Effifuel, Michelin parfait encore son modèle d’économie de fonctionnalité en garantissant au client une économie annuelle en carburant. Mais aussi des formations à l’éco-conduite et un suivi du comportement des chauffeurs. Une stratégie dans laquelle les leviers de l’économie circulaire n’ont pas que des vertus environnementales, ils permettent aussi de fidéliser les clients. Avis à la concurrence.
Source : Mobivia