Les projets sont encore rares ou emblématiques, au stade de la promotion du concept. Pourtant, il existe une véritable filière à construire pour valoriser les nombreux déchets issus du BTP. En Allemagne, l’État a mené un projet sur un lot d’immeubles à Berlin, pendant qu’une maison témoin était édifiée en Belgique pour encourager l’utilisation de ces matériaux.
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Les déchets provenant de la démolition ou de la rénovation d’immeubles constituent le quart des déchets produits en Europe. Sur ce quart, la moitié termine en décharge publique. Une grosse perte de matière première puisque certains pays ont prouvé que l’on pouvait réutiliser jusqu’à 90 % des matériaux de construction.
Des loyers abordables
Dans ce domaine, tout est à imaginer, à construire. Il existe peu de projets d’envergure, les plus courants étant les maisons individuelles conçues à partir de matériaux recyclés par la volonté de propriétaires porteurs de convictions fortes. L’Allemagne se démarque toutefois grâce à un projet achevé en 2015 à Berlin : l’État a mené le plus grand projet municipal de ces dernières années, en tâchant d’utiliser un maximum de matériaux recyclés. Le nouveau quartier Treskow-Höfe, situé à Karlshorst, a été bâti sur d’anciens bâtiments d’étudiants des années 1960. Un seul des anciens bâtiments a été conservé, les huit autres ont été entièrement reconstruits.
Tout ce qui pouvait être récupéré des anciennes constructions l’a été pour alléger la note.
Mais tout ce qui pouvait être récupéré des anciennes constructions l’a été pour alléger la note. Souhaitant un quartier mixte, abordable pour les familles ou des seniors à petit budget, le projet a été optimisé sur tous les plans. Les 414 appartements, la crèche de 90 places, les 7 commerces et les bureaux ont tous été construits grâce à des matériaux recyclés, mais aussi en optimisant l’espace : les appartements n’ont aucun couloir, pour agrandir les pièces de vie. Au final, le loyer net par mètre carré se situe entre 7 et 10,50 euros et un accord conclu avec le Sénat prévoit que la hausse des loyers ne peut excéder 15 % sur quatre années consécutives. De quoi faire rêver un Parisien…
La France en retard
Alors que d’autres États, comme la Californie, s’y mettaient dès les années 1970, la France en est aux balbutiements. Pourtant, la proportion des déchets provenant du secteur du bâtiment et des travaux publics atteint des sommets : les 260 millions de tonnes générées représentent les trois quarts des déchets nationaux, en volume. Le taux de recyclage serait de 63 %, mais il s’agit essentiellement de remblais ou de réaménagements de carrière.
Pour soutenir le recyclage des matériaux, l’Union européenne a conçu un « Guide pratique sur le réemploi » qui étudie le potentiel des chantiers publics et privés (écoles, administrations, entreprises ou maisons individuelles). Une méthodologie est proposée pour intégrer les éléments de réemploi dans une rénovation. L’objectif de réemploi ou de recyclage fixé par l’UE est de 70 % des déchets du BTP d’ici à 2020. La loi de transition énergétique a réitéré l’ambition de la France d’atteindre ce chiffre lors de son vote en 2015.
Pour l’heure, en France, la filière se concentre uniquement sur les produits de valeur comme les anciennes cheminées, parquets Versailles ou tommettes en terre cuite. Aucune autre filière n’a été créée, de crainte, de la part des bâtisseurs comme des particuliers, d’adopter un produit peu fiable et dont la tenue dans le temps leur paraît incertaine. Il se pose pour l’instant des questions d’assurance : aucune n’accepterait de suivre sans garantie supplémentaire. L’Ademe travaille sur les questions de la conformité réglementaire, qui permettrait aux constructeurs d’opter plus facilement pour ces produits et aux assureurs de les suivre.
Le choix des matériaux
En partant de l’existant – des bâtiments des années 1960 – la récupération des matériaux est pourtant difficile. Les constructions du siècle dernier n’envisageaient pas la question du recyclage des matériaux en fin de vie.
Une prise en compte dès la construction du bâtiment permettra, à l’avenir, d’augmenter le potentiel de recyclage.
Or, le choix des matériaux et la manière de les assembler compte. Cet aspect est aujourd’hui mieux pris en compte dès la construction du bâtiment et permettra, à l’avenir, d’augmenter le potentiel de recyclage.
À l’heure actuelle, la tendance est d’essayer de convaincre les particuliers de se tourner vers des matériaux recyclés. En Belgique, le Centre scientifique et technique de la construction a construit dans ce but une maison expérimentale entièrement à l’aide de ce type de matériaux.
Cohabitation
Deux types de matériaux coexistent : soit les matériaux de réemploi, démontés de manière sélective, nettoyés et réutilisés pour le même usage, soit des matériaux recyclés, contenant une proportion élevée de matières secondaires obtenues à partir de déchets issus de la démolition d’un bâtiment ou de la valorisation de déchets d’autres secteurs industriels. En mêlant ces deux types de matériaux pour construire la maison témoin de Limelette en Belgique, les professionnels ont voulu prouver que la composition recyclée ne dégradait ni les performances finales, ni le coût de construction.
Tous les matériaux utilisés pour la construction de cette maison ont été testés pour leurs propriétés techniques.
Faite d’une structure portante en béton contenant des granulats provenant de scories de l’industrie sidérurgique, les briques de la maison contiennent également des poudres d’ordinateurs et d’écrans de télévision concassés, tandis que les châssis sont en PVC recyclés et que les parquets sont fabriqués à l’aide de cartons cirés type brique de lait, récupérés dans l’industrie alimentaire. Les isolants sont un mélange de déchets de verre, de plastique, de caoutchouc, de copeaux de bois, de papier de rebut, déchets textiles ou boues de découpe de pierre.
Même la route d’accès a été aménagée à l’aide de granulats recyclés. Tous les matériaux utilisés pour la construction de cette maison ont été testés pour leurs propriétés techniques : sur le marché européen, plus de 200 matériaux recyclés sont déjà disponibles et approuvés par des centres techniques.
À Las Vegas, la plus grande maison recyclée du monde
C’est la ville de tous les possibles. Capitale mondiale du jeu, Las Vegas accueille 35 millions de touristes chaque année. Un flux qui laisse quelques cadavres de bouteilles et des millions de tonnes de détritus dans son sillage… En 2012, Scott McCombs, entrepreneur local, s’est emparé de ces déchets pour s’en servir de base pour sa construction.
Il a conclu un partenariat avec les hôtels de Las Vegas pour récupérer leurs bouteilles. Après en avoir broyé 500 000, il a mélangé ce matériau à des « cendres », nom donné au résidu final de la combustion du charbon produit par les centrales qui alimentent la ville en électricité. Il a nommé cette matière première obtenue le « Greenstone ». D’une couleur tendant vers le jaune, les pierres d’apparence marbrées ont été assemblées pour construire un palace dans la plus pure tradition locale de la démesure, puisqu’il fait… 10 000 mètres carrés. 350 000 mètres cubes de déchets auront été nécessaires à sa construction.
De ce temple, McCombs a fait un showroom dans lequel il présente tous le mobilier de son entreprise, Realm of Design, évidemment fabriqué à partir de « Greenstone » pour la majeure partie. Âtres de cheminées, colonnes, balustrades, comptoirs, ornements, escaliers… l’entreprise a même offert des bancs aux parcs de la ville pour sa promotion. La déclinaison semble infinie, et plus porteuse que la construction de maisons, pour l’heure.