(Crédit photo : Joyce Colson pour « Terra eco »)
Source : TerraEco
Une start-up française vient de trouver un procédé pour récupérer jusqu’à 95 % de ces ressources finies (tantale, nickel, cobalt…), présentes en nombre dans nos appareils électroniques. Comment ? Grâce à l’eau supercritique. Explications.
Il faut vous rendre à l’évidence. Vous êtes totalement accro aux métaux rares ! Ces derniers – palladium, nickel, cobalt, étain… – sont de plus en plus utilisés dans les cartes électroniques. Le tantale, par exemple, permet une miniaturisation de certains composants. On le retrouve ainsi, avec une quarantaine d’autres, dans les doudous pour adultes des temps modernes : smartphones, tablettes… Et notre addiction pose des problèmes. En effet, certains métaux rares viennent de pays où leur trafic alimente les conflits armés. C’est le cas du tantale, originaire en grande partie de la région des Grands Lacs en Afrique. Par ailleurs, les réserves de ces métaux ne seront jamais suffisantes pour satisfaire notre insatiable consommation – 1,3 milliard de smartphones vendus dans le monde en 2014, selon le cabinet IDC, soit 27,6 % de plus que l’année précédente.
La solution ? Freiner notre addiction, bien sûr, mais aussi recycler ! Jusque-là, aucune technologie n’était capable de récupérer la plupart des métaux rares. Un vide que compte bien combler la start-up française Terra nova développement (TND) – avec son procédé baptisé Remetox – en récupérant 95 % des métaux présents dans les cartes. « Pour beaucoup de métaux, on a une réserve de plusieurs dizaines d’années seulement, de vingt ans, par exemple pour le cuivre, insiste Françoise Berthoud, ingénieure en informatique au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et directrice du groupe de travail EcoInfo ‘‘ Pour une informatique éco-responsable ’’. Les nouvelles mines ont des concentrations plus faibles que les anciennes. Pour en extraire les minerais, on a besoin de plus d’énergie et de plus d’eau, qui sont aussi des ressources critiques. » Il paraît donc absurde de se passer des ressources présentes dans les déchets électroniques. Dans une tonne de cartes, on trouve par exemple 200 grammes (g) d’or – 80 g dans les cartes plus récentes, plus petites –, contre moins de 5 g par tonne dans une mine. « Le recyclage est un enjeu majeur et toute initiative pour le faire progresser est une énorme avancée », souligne l’ingénieure. D’autant que seulement une dizaine d’usines dans le monde sont capables aujourd’hui de traiter les métaux présents dans les cartes électroniques. « Elles sont trois au Japon, deux en Corée du Sud, une au Canada et trois en Europe », affirme Michel Trabuc, cofondateur de TND. En Belgique, Umicore est exemplaire : l’entreprise récupère 17 métaux quand les autres se concentrent surtout sur le cuivre, l’or et l’argent.
Les pouvoirs de l’eau supercritique
Mais TND promet de mieux faire. Comment ? Grâce aux pouvoirs de l’eau supercritique. « Celle-ci est dans un état qui n’est ni gazeux, ni solide, ni liquide, qu’on retrouve dans les profondeurs de la terre, explique Christian Thomas, ingénieur cofondateur de TND. Pour reproduire cet état, on chauffe l’eau à plus de 400 °C, avec une pression de 250 bars. L’eau supercritique a des caractéristiques nouvelles au plan chimique et physique. Par exemple, on ne peut y dissoudre du sel. » Et on peut aussi y plonger des cartes électroniques pour séparer les métaux du reste des composants. « Une carte électronique contient 35 % de plastique et résine, 30 % de fibre de verre et le reste de métaux », poursuit Christian Thomas. Ce qui pose problème aux usines, ce sont les fibres de verre. « Elles ont un point de fusion élevé et sont tissées. Le métal s’y agrippe, ce qui le rend difficile à séparer. C’est possible à très haute température mais alors on perd plusieurs métaux, dont le tantale. » Dans l’eau supercritique, non seulement les plastiques et les résines se dissolvent, mais les silicates sont réduits en poussière et séparés des métaux. Pour développer ce procédé, TND s’est associée à d’autres acteurs français : le CNRS, le Bureau de recherches géologiques et minières et Separex, spécialiste des réacteurs à eau supercritique. Leur première usine devrait sortir de terre en 2017 en France et sera capable de traiter 10 000 tonnes de déchets par an. On promet de ne pas attendre cette date pour soigner notre addiction aux métaux rares.
Fairphone, l’exception durable
Dans un monde parfait, nos joujoux high-tech seraient conçus pour durer. Seul le Fairphone (littéralement « téléphone équitable »), lancé en 2013, répond à ces exigences. L’entreprise néerlandaise qui l’a créé s’assure que les minerais employés n’alimentent pas de conflits. Pour le tantale, elle travaille ainsi avec la plateforme Solutions for Hope, qui assure sa traçabilité. Les téléphones sont fabriqués dans une usine chinoise aux curseurs sociaux et environnementaux élevés. Ils sont démontables et les pièces défaillantes réparables.