Devenir une population neutre en émissions de CO2 d’ici à 2025 : c’est le défi que s’est lancée l’île suédoise de Gotland. Et même devenir une « éco-société » modèle, par la limitation des impacts dans tous les domaines de l’environnement.
L’île verte
En Suède, l’attention à l’environnement est une seconde nature. Elle gagne encore en acuité à Gotland : l’île, riche en biodiversité, est fragile, située sur une Mer Baltique en péril écologique et parcourue par plus de 700 000 visiteurs chaque année — pour 57 200 résidents permanents.
En 1996, l’île lance une stratégie radicale pour devenir en 2025 une « éco-société » exemplaire dans tous les domaines — énergie, ressources, pollutions, agriculture, déchets, radiations… À cet horizon, Gotland décide d’avoir neutralisé toutes ses émissions de gaz à effet de serre (hors Cementa, l’une des plus grosses cimenteries d’Europe du Nord dont 99 % de la production est exportée). Tous les secteurs ont été impliqués — services publics, entreprises, particuliers.
Les avancées sont spectaculaires. En 2010, l’île avait déjà réduit de 40 % ses émissions de CO2 issues d’énergies fossiles par rapport à leur niveau de 1990, en dépit d’une hausse des consommations. Ce bond est essentiellement dû à la révolution énergétique menée dans le chauffage des bâtiments : la conversion aux renouvelables et une meilleure efficacité énergétique des équipements. La capitale, Visby (45 % de la population), est desservie pour plus des trois quarts par un réseau de chaleur alimenté à 97 % en copeaux de bois (80 %), en biogaz et par une pompe à chaleur. Dans l’habitat rural dispersé, la plupart des chaudières à fioul ont disparu, substituées par modèles à biomasse ou des pompes à chaleur. La foresterie est en plein développement : le bois local, qui approvisionne déjà majoritairement les Gotlandais, peut à terme couvrir tous les besoins en chauffage.
Les quelque 250 fermes laitières de l’île se sont regroupées pour produire du biogaz à partir de leurs déchets organiques. Il alimente l’unité de déshydratation du lait (pour la vente hors de l’île), qui fonctionnait auparavant au fioul.
Une sobriété collective et heureuse
La consommation d’électricité, qui augmente aussi, est aujourd’hui couverte à 30 % par des éoliennes locales. Le complément est assuré par le réseau national, qui dessert l’île par un câble sous-marin.
La municipalité assume un rôle moteur. Tous ses appels d’offre imposent des contraintes environnementales fortes, et elle est parvenue à réduire de près de 50 % les émissions de ses activités propres. Elle s’approvisionne en électricité « 100 % renouvelable », ses bâtiments sont chauffés par le réseau de chaleur de Visby ou bien par des chaudières à énergies renouvelables, et il a été décidé qu’au moins 95 % de l’énergie consommée par les constructions publiques neuves devra être verte. La bibliothèque centrale, exemplaire par sa conception bioclimatique et bâtie avec des matériaux recyclables, consomme deux fois moins d’énergie qu’un édifice classique. La municipalité construit également des habitations « basse consommation » pour la location.
Le secteur des transports, sempiternellement reconnu comme le plus délicat en raison de sa dépendance quasi exclusive aux hydrocarbures fossiles, a lui aussi entamé sa transition énergétique. Fin 2010, une station délivrant du biogaz, tiré de l’usine d’épuration des eaux usées, a ouvert sur le port de Visby. Les quatre bus du réseau public urbain y sont convertis. Une petite centaine de voitures vient également s’y approvisionner — privés, taxis, véhicules municipaux. Gotland, grâce à ses ressources organiques, pourrait un jour se passer de carburants importés.
Deux câbles sous-marins relient Gotland au continent à 140 km de distance. Lorsqu’ils ont été installés ils avaient pour but de fournir de l’électricité à l’île en période de pics de consommation. Aujourd’hui ils ont été réaménagés en « aller-retour » afin de pouvoir injecter l’électricité produite par les parcs éoliens de Gotland lorsque ceux-ci produisent plus que ce que l’île consomme. Mais la capacité du réseau local et des câbles sous-marins est à son maximum alors même que l’île compte fortement sur la croissance de sa production éolienne. L’installation d’un nouveau câble est en prévision, il devrait permettre à l’île de démarrer ses nouveaux projets éoliens qui auront pour objectif de fournir exclusivement le continent, compensant ainsi les émissions de CO2.
D’ici à 2025, les autorités estiment par ailleurs que les incitations à la sobriété énergétique auront enrayé la croissance des consommations, et l’auront même fait diminuer de 10 % par rapport à son niveau de 2010.
Source : Kaizen
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