Avoir de grands objectifs de recyclage c’est bien, financer l’innovation pour y répondre c’est encore mieux. Pourtant, le modèle de financement français n’aide pas à sortir les brevets des tiroirs contrairement à d’autres outils étrangers.
L’économiste Nicolas Bouzou en est convaincu, “nous sommes à l’aube d’une période de forte croissance qui va redistribuer les cartes et changer la chaîne de valeur. Il faudra produire moins mais mieux et passer d’une économie de la quantité à une économie de la qualité où les entreprises à forte valeur ajoutée seront gagnantes”, a déclaré le fondateur du cabinet Asterès à l’occasion du colloque Filières et Recyclage de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) organisé les 14 et 15 octobre dernier. Et selon lui, le secteur du recyclage a toute sa place dans cette nouvelle économie avec des technologies et des savoir-faire non délocalisables.
Des brevets qui restent dans les tiroirs
Avec des volumes croissants de déchets à traiter, l’industrie du recyclage va devoir encore se moderniser et innover pour être à la hauteur. Selon Michel Valade, président de la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement (Fnade), 5,6 milliards d’euros d’investissement seront nécessaires d’ici 2025. Si la volonté ne manque pas, les financements font défaut, plombés par un modèle français inadapté.
“L’industrie du recyclage nécessite des technologies innovantes dont la mise sur le marché peut être relativement longue selon le niveau de complexité du produit ou du service”, analyse Christophe Rouvière, directeur général de Natureo Finance.
“Cette durée de mise sur le marché est rendue difficile car chaque nouvelle filière de recyclage ne peut réellement émerger sans avoir accès à un gisement qualifié. Et qui dit longue durée dit investissement principalement en fonds propre”, ajoute-t-il. Or, trouver des capitaux n’est pas chose facile. Le dispositif français d’aide à l’innovation repose sur le co-investissement public/privé, mais à l’heure où l’investissement privé se tarit, difficile d’investir dans des dossiers réellement innovants souvent perçus comme les plus risqués. “Comment investir dans un projet industriel, par définition à long terme, alors que l’horizon d’investissement des fonds est généralement de 4 à 5 ans ?”, interroge Christophe Rouvière. Résultat, alors que la France se classe 6ème mondiale en matière de recherche et développement avec de nombreux brevets déposés, elle tombe au 22ème rang question innovation.
L’exemple (à copier ?) des green deals néerlandais
Alors qu’en France la phase du pilote industriel est la plus délicate à financer, “l’Etat fédéral américain ou encore les acteurs publics japonais ou chinois concentrent leur effort sur cette phase précisément”, constate Christophe Rouvière. Ils considèrent que c’est dans la phase la plus risquée qu’il faut soutenir les entreprises innovantes. Une fois que le concept a fait ses preuves, le financement privé peut alors s’en emparer.
Le modèle des Green Deals aux Pays-Bas a retenu l’attention du cabinet RDC Environnement qui a enquêté pour le compte de l’Ademe. Mis en place en 2011 pour soutenir des projets pilote en matière de biodiversité, d’énergie, de matières premières ou encore de mobilité, d’eau ou d’alimentation, ce programme prend la forme d’un contrat entre l’Etat, les entreprises privées, les acteurs publics et d’autres organismes (fédération, ONG). Tous les acteurs prennent des engagements volontaires pour faire évoluer très rapidement un projet et chacun doit agir à son niveau pour apporter des financements, modifier la législation et la réglementation ou favoriser la concertation… En trois ans, 160 Green Deals ont été signés entre 750 acteurs différents dont 60% d’entreprises, 8% d’ONG, 14% d’acteurs publics locaux, 6% d’instituts de recherche et 2% d’instituts financiers. Ces contrats, basés sur la confiance entre les acteurs, ont par exemple permis de développer une solution de traitement des mâchefers d’incinération capable de récupérer les métaux précieux, de déployer l’utilisation des chutes de bois dans l’industrie des emballages en bois ou encore de tester l’utilisation d’agrocarburants dans l’aviation. Selon Nicolas Bouzou, un tel outil développé dans un petit pays “ne pourrait pas se décliner tel quel en France mais il serait faisable à l’échelle des régions”. A bon entendeur…
Source : Actu-environnement.com