Trop polluants ou trop chers, fabriqués avec des terres rares… Suite aux nombreuses questions de nos lecteurs et face aux fausses informations qui circulent sur Internet, We Demain livre un état des lieux de l’impact environnemental de la filière photovoltaïque, avec des experts.
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En France, 55 000 tonnes de panneaux solaires ont été posées durant l’année 2016. Un chiffre qui devrait tripler d’ici 2023, alors que le pays s’achemine vers un objectif de 20,2 GW de puissance installée contre 6,8GW actuellement.
Problème : ces quantités industrielles de panneaux solaires représenteront d’ici quelques décennies autant de déchets à traiter. L’impact écologique de leur production et la question de leur recyclage préoccupe de plus en plus les lecteurs de We Demain qui l’expriment dans leurs commentaires. Une inquiétude légitime, mais qui est aussi exploitée par certains défenseurs du nucléaire et qui entraîne son lot de contre-vérités.
Pour faire le point sur l’impact écologique réel de la filière photovoltaïque, We Demain a interrogé des spécialistes de la question.
Idée reçue n°1 : “Les panneaux solaires ne sont pas recyclables”
“C’est faux. Tout du moins pour les modèles au silicium cristallin, qui représentent 90 % du marché mondial”, assure Bertra nd Lempkowicz, directeur de la communication de PV Cycle, un organisme public chargé du recyclage des panneaux solaires.
“On peut recycler un panneau à 100 %, tout dépend de l’intérêt économique. Nous avons ouvert en mars dernier une usine pilote en partenariat avec Veolia dans les Bouches-du-Rhône. Notre objectif est d’y retraiter 98 % des matériaux qui composent les panneaux”.
Et pour cause : un panneau solaire est composé à 75 % de verre. Une matière recyclable à l’infini, tout comme l’aluminium qui compose son cadre. À l’intérieur, on retrouve un film plastique en EVA qui peut être transformé en granules pour être refondu ou brûlé pour générer de l’électricité. Enfin, restent les cellules en silicium et les conducteurs électriques qui peuvent être en aluminium, en argent ou en cuivre. Ces éléments sont séparés mécaniquement et chimiquement avant d’être fondus, puis réutilisés.
Idée reçue n°2 : “Les panneaux nécessitent des terres rares et autres minerais dont la quantité est limitée”
“C’est largement exagéré. On parle de quelques milligrammes d’argent, de bore ou de phosphore par centaine de kilos de panneaux. Ces éléments sont utilisés pour augmenter la conductivité ou améliorer la pureté optique”, détaille Xavier Daval, président de SER-Soler, la branche solaire du Syndicat des énergies renouvelables.
“Peut-être que certaines de ces ressources seront un jour en tension, mais nous en sommes loin. Le silicium est après tout le deuxième élément le plus courant sur Terre après l’oxygène ! Et il y a chaque mois de nouvelles découvertes scientifiques dans le domaine du photovoltaïque.”
Idée reçue n°3 : “Il faut plus d’énergie pour fabriquer les panneaux qu’ils n’en rapportent”
“C’est totalement faux ! La production nécessite beaucoup d’énergie, c’est vrai, car il faut faire fondre du verre. Mais il en va de même pour fabriquer l’acier et le béton qui composent les centrales atomiques. De l’énergie et du CO2 émis que l’on inclut rarement dans les calculs d’impact du nucléaire !, s’indigne Xavier Daval. Mais si on utilise de l’énergie solaire pour faire fondre ce verre, on créé un cycle vertueux. Plus nous aurons d’énergie solaire, plus celle-ci sera propre.”
De plus, les processus industriels ont beaucoup évolué ces dernières décennies. Comme le rapporte une étude parue dans Nature Communications en décembre dernier. En 1986, il fallait compter 409 grammes d’équivalent CO2 pour un kWH. Aujourd’hui, l’empreinte d’un panneau solaire n’est plus que de 20 à 25 grammes d’équivalent CO2 par kWH.
Concrètement, cela signifie que les panneaux “remboursent” leur dette énergétique en seulement un an et demi en France, contre 5 ans en 1992. “Et même si vous habitez en Norvège, où il y a beaucoup moins de soleil, cela reste très intéressant. Vous remboursez leur dette énergétique en deux ans et huit mois, ajoute Bertrand Lempkowickz. Ensuite, c’est de l’énergie gratuite et 100 % propre !”
Idée reçue n°4 : “Les panneaux ne durent que 25 ans”
“C’est un chiffre que l’on entend souvent, mais qui ne concerne en fait que les premiers panneaux produits dans les années 1980. C’est à dire ceux qui arrivent aujourd’hui dans les filières de recyclage. Pour les nouveaux modèles, on a aucun recul. C’est probablement 50 ans, peut-être plus !, avance le cadre de PV Cycle. Au pire, ils produiront un peu moins avec les années, mais de toute façon les panneaux seront largement amortis et tout ce qui est produit sera du bonus.”
Mais alors, pourquoi les fabricants ne mettent-ils pas en avant cette durée de vie d’au moins 50 ans ? “Pour ne pas s’engager sur une garantie. Mais Tesla a osé récemment franchir ce pas pour ses toitures solaires avec une garantie illimitée “, pointe le dirigeant syndical.
Idée reçue n°5 : “Le photovoltaïque coûte trop cher pour les particuliers”
Idée reçue n°6 : “Importer les panneaux solaires de Chine est très polluant »
“Les panneaux sont acheminés en bateau. Et même s’ils émettent du CO2, leurs tonnages sont tellement énormes que la pollution individuelle de chaque panneau est minime. L’idéal serait bien sûr d’avoir des cargos électriques mais ils sont encore au stade de prototype”, constate Bertrand Lempkowicz.
“Très peu d’entreprises européennes de panneaux solaires ont survécu à la concurrence étrangère, mais c’est par manque de soutien des États qui n’hésitent pourtant pas à investir dans le nucléaire et à subventionner le pétrole, déplore Xavier Daval. Nous avons les ressources et le marché pour inventer un second Tesla en Europe, mais il nous manque un industriel avec la volonté d’Elon Musk.”
Idée reçue n°7 : “On ne peut pas stocker l’énergie produite”
“C’est de moins en moins vrai. On le voit avec Tesla qui installe en ce moment un peu partout dans le monde des batteries géantes au lithium. Mais il y a d’autres façons de stocker l’énergie verte, par exemple en pompant de l’eau dans des barrages ou d’anciennes mines pour la libérer au besoin et alimenter des génératrices, détaille Bertrand Lempkowicz. Et avec les futures smart grids, on pourra ajuster la production aux besoins de façon très précise.”
“Il faudrait peut-être aussi apprendre à consommer de façon plus rationnelle. Qui a vraiment besoin d’allumer le four ou la machine à laver à 3 heures du matin ? On aime tous ce confort, mais il faut aussi en voir le prix pour l’environnement, note Xavier Daval. Si on veut approvisionner 10 milliard d’humains d’ici la fin du siècle, il faudra apprendre à être plus sobre énergétiquement. Mais la bonne nouvelle est que l’énergie solaire est répartie sur toute la planète. Ce qui en fait un puissant facteur de paix pour l’avenir, contrairement au pétrole.”