Avec quelques astuces de plomberie et des matériaux de récupération, des Français ont inventé des machines performantes pour capter la chaleur solaire et en distribuent les plans sur Internet. Rencontre avec ces bricoleurs qui veulent accélérer la transition écologique.
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“La chaleur correspond à 2/3 des besoins en énergie des industries européennes. Si on veut une transition écologique, il faudra rendre celle-ci renouvelable et nous y arriverons grâce à l’énergie solaire”, plaide Hugo Frederich.
Comme ce jeune docteur en physique, ils sont plusieurs centaines de bricoleurs en France à avoir rejoint des associations comme Open Source Écologie, Sunberry ou Soleil Vapeur. Leur objectif : rendre l’énergie du soleil accessible, faire avancer la science et partager leurs inventions gratuitement ou à petit prix sur Internet.
Rien de nouveau a priori… sauf quand on regarde le prix : 400 euros pour un panneau Sunberry de 10 m2 à fabriquer soi-même contre 3 600 euros pour un modèle commercial.
“Il faut noter que notre rendement est un peu inférieur : 7 300 kWh/an contre 9 500 kWh/an pour un modèle classique. Mais vu le prix, ça permet d’ajouter d’autres panneaux”, ajoute Marc Boileau.
Le secret de son invention ? Du polypropylène alvéolaire. Un matériau plastique couramment utilisé pour les panneaux “À vendre” des agences immobilières et qui sert ici de capteur thermique. L’eau circule à l’intérieur de la plaque de plastique noir et atteint jusqu’à 80 °C grâce au soleil.
Le tout est isolé d’un côté par une bâche transparente et de l’autre par du polystyrène. Enfin, une pompe à eau et différents capteurs sont contrôlés par un mini-ordinateur Raspberry Pi, lui-même connecté à une application mobile. Un mois après son lancement en mars 2017, ce système a été répliqué par plus de 250 utilisateurs.
Open Source Écologie, de son côté, voit plus grand. Émanation française de l’association américaine éponyme, elle a pour objectif, depuis sa création en 2014, de développer 50 machines permettant de tout produire en autonomie.
Sa première réalisation est un concentrateur solaire qui porte l’eau à une température de 250 °C et à une pression de 39 bars grâce à une série de miroirs chauffant un tube de laiton. En clair : une machine à vapeur solaire. “Nos utilisateurs seront des agriculteurs et des artisans plutôt que des particuliers”, précise Hugo Frederich.
Ceux-ci pourront utiliser la machine aussi bien pour cuire des aliments, les pasteuriser, distiller des huiles essentielles, sécher du foin, travailler le bois ou teindre des vêtements. Un premier prototype de 4m2 a été conçu à l’été 2015 lors de l’événement POC21. Il sera suivit cette année d’une deuxième version de 16m2.
“On imagine déjà d’autres applications, comme produire de l’électricité, de l’air comprimé et même de la glace par effet d’adsorption”, ajoute Hugo Frederich.
Pour cette dernière invention, Open Source Écologie peut compter sur l’expertise d’une autre association : Soleil Vapeur. Basée à Brest depuis plus de vingt ans, celle-ci rassemble d’anciens ouvriers et ingénieurs du nucléaire qui mettent leurs compétences au service de la transition énergétique. Sa dernière réalisation : un cuiseur solaire à base de tubes à vide.
“Avec un modèle traditionnel en forme de parabole, il est difficile de faire bouillir un litre d’eau. Le nôtre peut cuire 4 kg de légumes en 1 h 30 ou stériliser des instruments médicaux”, explique son fondateur Jean Boubour, maçon de formation.
“Tant qu’il y aura du pétrole et du gaz, personne n’investira dans ces technologies car elles ne rapportent rien. Mais c’est là toute la beauté de l’énergie solaire qui est gratuite et démocratique.”