L’économie circulaire interpelle les politiques territoriales. A l’initiative du groupe écologiste, le Sénat a tenu le 21 février en séance publique un débat sur le sujet. L’accent a été mis sur le gisement de matières et d’emplois créés.
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A l’initiative du groupe écologiste, le Sénat a tenu le 21 février un débat sur l’économie circulaire. Il a été organisé dans la continuité d’un rapport sénatorial d’information publié fin septembre dernier, portant de façon plus ciblée sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles. Ce rapport détaillait déjà “l’urgence d’une stratégie” en la matière, tout comme la nécessité de réduire l’obsolescence programmée ou de développer une économie de la fonctionnalité, et constatait l’émergence d’une multitude de nouveaux acteurs sur le marché de seconde main, de la réparation et du réemploi.
Manque d’un cadre global
Mais revenons sur l’économie circulaire. Au Sénat, son levier générateur d’innovation territoriale a été souligné. “En région Occitanie, les initiatives locales ne manquent pas. L’économie circulaire est bien une réalité dont se saisissent les territoires, au départ précurseurs et qui toujours aujourd’hui ne manquent pas d’inventivité dans le domaine”, observe François Commeinhes, sénateur de l’Hérault. Le défaut est que ces expérimentations restent dispersées, un cadre global un tant soit peu contraignant fait défaut. “Faut-il espérer que cette lacune soit comblée grâce au nouveau train de mesures du paquet économie circulaire en cours au niveau européen ?”, s’interroge du coup Mireille Jouve, sénatrice des Bouches-du-Rhône. Pas si sûr car il est très porté sur les déchets, progresse sur le sujet de la conception des produits mais ne va pas jusqu’à impacter ou mobiliser la commande publique – un point dernièrement regretté par l’Institut de l’économie circulaire. “L’économie circulaire ne se restreint pas à l’économie des déchets et du recyclage : elle vise à optimiser l’usage des ressources, et ce tout au long du cycle de vie des produits”, a ainsi précisé cette association nationale pluri-acteurs, dans un avis publié l’été dernier.
Un label en 2018
Pour Nelly Tocqueville, sénatrice de la Seine-Maritime, même s’il y a des avancées, notamment sur le plan juridique avec l’inscription il y a deux ans de l’économie circulaire dans le code de l’environnement, il faut “continuer de sensibiliser les acteurs économiques des territoires”. Même constat du sénateur de l’Eure, Hervé Maurey, pour qui la sortie du modèle linéaire sur lequel notre économie est basée nécessite de “s’engager plus en avant, en s’appuyant pour ce faire sur la belle dynamique de travaux en cours”. Et de citer les travaux de l’Ademe, sur les interactions entre planification et économie circulaire, et ceux de l’Institut Montaigne.
Ajoutons la réflexion en cours sur la création d’un label développé avec l’Ademe pour accompagner et valoriser les actions des collectivités. C’est à la communauté urbaine de Dunkerque (CUD) que revient l’idée (voir notre interview de l’élu portant ce projet). Elle l’a proposé dans le cadre de sa candidature à l’appel à projets du ministère de l’Environnement sur les territoires Zéro déchet zéro gaspillage, et y a réfléchi l’an dernier dans un groupe de travail piloté par l’Ademe avec d’autres collectivités. Sur le principe du label Cit’ergie, qui a fait ses preuves dans la valorisation de la politique énergétique durable des territoires, l’idée serait que ce label soit la reconnaissance officielle d’une démarche de progrès. Côté calendrier, il pourrait être lancé en 2018.
Une stratégie en deux temps
Barbara Pompili, secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité, est intervenue lors de ce débat au Sénat pour détailler l’action du gouvernement en matière de développement de l’économie circulaire. Prévue par la loi sur la transition énergétique (titre IV), une stratégie de transition nationale vers l’économie circulaire est en cours et doit être assortie d’un plan de programmation quinquennal. “Nous envisageons de construire cette stratégie en deux parties, la première étant consacrée à la prévention et à la gestion des déchets. Elle a fait l’objet d’une proposition formelle auprès du Conseil national des déchets (CND), qui a donné lieu à la publication en début d’année d’une première contribution à cette stratégie de transition vers l’économie circulaire”, a expliqué Barbara Pompili.
Cette stratégie intègre par ailleurs un plan de programmation des ressources nécessaires aux principaux secteurs d’activités économiques. Son but : identifier les potentiels de prévention de l’utilisation de matières premières, primaires et secondaires, afin d’utiliser plus efficacement les ressources, ainsi que les ressources stratégiques en volume ou en valeur. “Ce plan est en cours d’élaboration, le commissariat général au développement durable (CGDD) s’est penché dessus dès 2016 et il sera finalisé dans les semaines à venir. Il sera important qu’il fasse l’objet de discussions avec les parlementaires”, ajoute Barbara Pompili.
Autre disposition liée à la loi sur la transition énergétique, l’opportunité ou non d’étendre la durée de garantie légale de conformité de deux à cinq ans, voire à dix ans, pour certaines catégories ciblées de produits. Le gouvernement doit remettre sa copie sur le sujet au Parlement. “Ce rapport sur l’opportunité d’une extension est en cours de concertation interministérielle et sera publié prochainement”, a glissé la secrétaire d’Etat. Un autre texte qu’elle a défendu, la loi biodiversité d’août 2016, a renforcé le régime juridique des sanctions administratives applicables en droit des déchets. Le but est d’imposer aux producteurs, importateurs ou distributeurs d’équipements électriques et électroniques (DEEE) l’adhésion au principe de la responsabilité élargie du producteur (REP) ou de reprise un pour un des déchets en magasin, afin de mieux recycler ces produits et d’en puiser les ressources (métaux rares).
Le développement du secteur de la réparation a aussi été abordé
“Le ministère souhaite ainsi faire évoluer une directive européenne afin d’affirmer cette priorité à la réparation”, a indiqué Barbara Pompili. Avec la location, la revente d’équipements déjà utilisés, ce secteur pèse de plus en plus lourd en termes de volumes d’emplois. Or ce sont autant de métiers qui accroissent la valeur d’usage des biens. “Preuve en est que l’économie circulaire est bien un levier de croissance pour l’emploi. Mais aussi un vivier pour l’innovation et la recherche”, a conclu Jean-François Husson, sénateur de la Meurthe-et-Moselle, en proposant de rendre les projets dans ce domaine éligibles aux financements du Programme investissements d’avenir (PIA).