A Sonderborg, dans le sud de Danemark, un projet a été lancé en 2009 avec pour objectif de ne plus émettre de CO2 d’ici 2029. La ville enregistre une baisse de 30%. Le secret : de la maternelle aux grandes industries de la région, tout le monde est impliqué.
La réduction d’émission de gaz à effet de serre à l’échelle de toute une ville. A Sonderborg, au Danemark, la ville a lancé ce pari : ne plus émettre de carbone d’ici 2029. Cela s’appelle Project Zero et les résultats sont positifs : -30% de CO2 en six ans. La recette miracle de cette ville de 75.000 habitants, sur une presqu’île au sud du Danemark, c’est que tout le monde est impliqué, à commencer par les habitants.
Agnète, infirmière, et son mari Tom, ont par exemple investi dans une pompe à chaleur géothermique. Plus de chaudière à mazout, et plus de facture d’électricité pour alimenter cette immense maison entre mer et champs, qu’ils ont entièrement rénové. “Chauffer la maison avec la chaudière à mazout nous coûter 3.350 euros par an », explique Agnète, « et on a payé la pompe à chaleur 18.000 euros. En six ans on fait un retour sur investissement“.
Agnete et Tom ont aussi installé des panneaux solaires pour 16.000 euros. Un gros investissement et quelques vacances amputées pour faire face, mais Agnete ne regrette pas. “Nous sommes complètement autonomes en termes d’énergie et nous revendons même de l’électricité aux compagnies locales“, sourit-elle, “c’est un très très bon choix car nous ne sommes plus dépendant des prix du pétrole“. Finie la dépendance aux marchés et finies les factures. “Auparavant nous payions 3.350 euros de chauffage par an, maintenant plus rien. Pareil pour l’électricité, nous n’avons plus de facture“.
Un conseiller à domicile
Tom et Agnete sont devenus totalement verts. Ils n’utilisent que des énergies renouvelables. Pour eux le déclic a été financier mais aujourd’hui ils sont “fiers” de ne plus polluer. Pour ceux qui n’ont pas autant de moyens, Project Zero travaille sur les comportements.
Charlie Lemtrop, conseiller énergétique, visite les maisons pour donner des conseils aux locataires et aux propriétaires. En trois ans, il a vu 1.200 maisons et a persuadé 65% des propriétaires d’investir. En moyenne 21.000 euros. “Mon travail c’est d’aller voir les gens pour leur proposer des solutions énergétiques pour qu’ils dépensent moins. J’essaye de ne pas être trop technique et d’être au plus proche de leurs besoins. Par exemple, la nuit, je leur explique simplement qu’ils économiseraient beaucoup en mettant leurs appareils en mode nuit. Par de simples gestes, les familles peuvent économiser plus de 1.600 euros par an”, explique l’homme au crâne rasé.
“En modifiant les comportements, on peut réduire la consommation d’énergie de 40%” (Charlie, conseiller)
“Les familles que j’ai vu investissent surtout dans quatre domaines : l’isolation, les fenêtres, les panneaux solaires et les sources de chaleur. Si on fait tous ces travaux, on économise 22.000 kw/h, soit 4.550 euros par an“, dit Charlie qui assure qu’en modifiant les comportements vis à vie de l’énergie, les familles peuvent réduire leur consommation de 40%. Le discours de Charlie plait et persuade les familles qu’il rencontre, mais même avec tout le charisme qu’on lui donne, un seul homme ne peut pas rendre visite à tout le monde. Charlie fait confiance au bouche à oreille pour convaincre ceux qu’il n’a pas le temps de voir.
Rouler à l’électrique
Kurt range son vélo électrique en arrivant au travail. Il rit en expliquant qu’il est devenu “addict” à ce mode de transporte. Grâce à Project Zero, il a “pris conscience” de l’enjeu environnemental. “Maintenant quand je prends la voiture j’ai mauvaise conscience“, sourit-il, avec le vélo électrique, “je respire l’air frais, je fais du sport, ça aide à digérer, c’est un mode de transport bon pour la santé“. En plus, “c’est drôle ! Ca accélère aussi vite d’une voiture de course !“, 30 km/h en deux coups de pédales. Quant à la pluie et au vent, “la météo n’est pas un problème, le tout c’est de se changer en arrivant au travail“. La ville de Sonderborg a investi dans 140 vélos électriques, soit 180.000 euros.
Les entreprises dans le coup
Qu’en est-il des entreprises qui sont à Sonderborg ? La réussite de Project Zero c’est de les avoir intégré. Un partenariat public/privé comme on aime le répéter ici. A l’origine de Project Zero, il y avait le Think Tank (Fultura Syd) d’Asger Gramkow. “L’idée était de créer des emplois en impliquant les entreprises“. A cette époque, le débat sur le réchauffement climatique se faisait de plus en plus entendre et Fultura Syd a eu l’idée de concentrer autour de ce débat les compétences des entreprises de Sonderborg, à savoir “l’énergie intelligente“. En effet plusieurs entreprises de cette région travaillent depuis longtemps sur les solutions énergétiques.
C’est le cas de Danfoss, entreprise internationale créée à Sonderborg. Elle fabrique des composants pour optimiser les systèmes de chauffages, de refroidissement et de ventilation. Au milieu d’une usine qui fabrique des composants pour les réfrigérateurs, Fleming Voetman, le responsable du développement durable chez Danfoss raconte, ce que la société a fait pour réduire son émission de CO2 grâce à Project Zero : “Dans cette usine par exemple, la ventilation est installée sur le toit. Son rôle est de s’assurer que l’air est suffisamment renouvelé et que la température est idéale. Pour ne pas gaspiller d’énergie, on a installé un thermomètre dehors. Il envoie un signal à l’intérieur de l’usine pour mettre plus ou moins de chauffage en fonction du temps. Sans ça les gens ouvrent les fenêtres pour réajuster la température. Donc c’est un bon signe quand je ne vois pas de fenêtre ouverte“.
Danfoss a investi 10 millions d’euros en quelques années pour installer ces appareils et ainsi réduire sa facture énergétique. Elle a diminué ses émissions de CO2 de 37% et presque autant en facture d’électricité. Un retour sur investissement de 3 à 5 ans. Prochaine étape : “On va passer à la biomasse, le bois, les déchets de l’agriculture“, explique Fleming Voetman.
Consensus politique
Un tel projet ne peut pas se faire sans l’aval des autorités locales. En 2010, la mairie de Sonderborg qui regroupe sept communes a approuvé Project zero. Les premières années, elle a investi 11,5 millions d’euros. L’argent a servi à rénover les bâtiments municipaux (écoles, maisons de retraite…) pour qu’ils consomment moins d’énergie. “Ce que les gouvernement ne font pas, les mairies peuvent“, sourit l’ancienne maire de Sonderborg, Aase Nyegaard. Elle se souvient que tous les partis politiques (il y en avait sept) ont été d’accord pour lancer Project Zero. Car en plus du volet climatique, il y avait un volet économique. “On en a discuté entre partis et normalement on a des visions différentes. Mais là on s’est dit que le problème de l’environnement était trop important et qu’il fallait penser au-delà d’un mandat de quatre ans. D’habitude un homme politique se demande comment il va faire pour être réélu mais la question de l’environnement concerne une période beaucoup plus longue“, raconte Aase.
“Nous avons décidé, tous les partis ensemble, que Project Zero était tellement important pour Sonderborg, qu’il fallait dire oui. Pas seulement pour l’aspect environnemental, mais aussi parce qu’il créait des emplois. On ne pouvait pas se permettre de se chamailler sur des détails. 2029, c’est très loin, donc il fallait vraiment qu’on soit tous d’accord“. Project Zero a permis de créer 800 emplois à Sonderborg, notamment dans la construction.
Un objectif possible ?
Le but c’est qu’en 2029 Sonderborg n’émette plus de CO2. Et pour en arriver là, les gens mobilisés par Project Zero font passer le message à travers les enfants à l’école, le bouche à oreille, le sport. Dans chaque équipement sportif de la ville rénové il y a un diplôme Project Zero. Cela permet de toucher 25.000 habitants, soit 1/3 de la population de Sonderborg.
Mais que se passera-t-il si le but n’est pas atteint en 2029 ? Peter Ratje dirige Project Zero est optimiste : “Quand on a lancé ce projet, on a choisi 2029 en ne sachant pas si le but pourrait être atteint. Et tous les ans depuis, on réalise des mesures pour voir si on est sur la bonne voie et si le défi est jouable. Et on ajuste au fur et à mesure“. Cette année, Peter Ratje rappelle que les résultats sont au-dessus des projections, « -30% de CO2, soit 5% de plus que nos prévisions, alors je ne vois pas pourquoi on n’arriverait pas à notre but en 2029”.
Et ce qui pourra aider les chiffres de Project Zero ce sont les transports. La ville doit changer ses bus dans deux ans, car le contrat des anciens arrive à son terme. Elle va se doter de bus qui roule au gaz bio et où les vélos électriques pourront rentrer. Quant à équiper tous les habitants d’une voiture électrique, plus chère qu’une voiture à l’essence, le chemin est long. Une ville a pourtant fait le même pari que Sonderborg. Haiyan en Chine a signé un partenariat avec la commune danoise pour construire des bâtiments optimisés.
Source : France Info