Emballages, cosmétiques, pesticides : les chimistes réduisent peu à peu le recours aux dérivés du pétrole. En France, ils ont pour objectif d’atteindre un taux de 15 % de matières premières biosourcées en 2017.
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Les géants de la chimie explorent résolument la voie du végétal. Coup sur coup, l’allemand BASF vient d’annoncer deux partenariats, avec la biotech néerlandaise Avantium et la start-up lorraine PAT (Plant Advanced Technologies), afin de les aider à développer leurs molécules 100 % « bio ».
La première a inventé un bioplastique fabriqué à partir d’amidon et de sucre, le « polyéthylène-furanoate » (PEF), qui pourrait remplacer le fameux PET (polytéréphtalate d’éthylène) dans la fabrication des bouteilles et autres emballages. La seconde a développé un moyen d’extraire de plantes rares des molécules naturelles aux propriétés remarquables, qui pourraient par exemple devenir de nouveaux pesticides. « Il y a une vraie demande pour des produits biosourcés dans de nouveaux secteurs, comme l’emballage, les cosmétiques ou la protection des plantes », témoigne Caroline Pétigny, responsable du développement durable de BASF en France.
Coques de smartphone
La chimie du végétal, issue de plantes ou de biomasse, progresse à grands pas. Selon une étude de l’UIC (Union des industries chimiques), sa part a plus que doublé en France en dix ans. Si les dérivés du pétrole représentaient encore 87 % des matières premières utilisées dans les produits chimiques « formulés » (issus d’une association de molécules) en 2015, ce taux atteignait 95 % en 2005. « Nous avions fixé un objectif de 15 % pour 2017 pour la chimie biosourcée, et nous sommes sur la bonne voie pour l’atteindre », affirme Didier Le Vely, directeur des affaires économiques de l’UIC.
Il y a une vraie révolution en cours !
Des groupes comme Arkema ou Solvay ont, de longue date, développé des molécules biosourcées : le premier commercialise sous la marque Rilsan un polyamide à base de ricin utilisé pour les coques de smartphone ou dans l’automobile, tandis que le second a développé le procédé Epicerol, qui utilise de la glycérine pour produire des résines. Tous deux ont placé ce segment parmi leurs grands axes stratégiques. A 7 ou 8 % par an, son taux de croissance est nettement supérieur à celui de l’ensemble du secteur (+1 % par an).
Mais depuis ses premiers développements il y a une dizaine d’années, la chimie biosourcée a évolué. Il ne s’agit plus seulement de remplacer les molécules simples issues de la pétrochimie de base, mais aussi, de plus en plus, de se positionner sur la chimie de spécialités. « Il y a une vraie révolution en cours ! » s’enthousiasme Denis Lucquin, associé chez Sofinnova, une société de capital-risque spécialisée dans les sciences de la vie, qui a réalisé plusieurs investissements dans ce domaine depuis six ou sept ans (Avantium, Bio-Amber…).
« Meilleures performances »
La chute des prix du baril, depuis mi-2014, a accéléré la tendance, en rendant la rentabilité des produits biosourcés plus difficile à atteindre. « On ne recherche plus des substituts aux molécules de base, comme lorsque l’on avait peur d’un baril à 200 dollars », explique François Monnet, président de l’Association chimie du végétal (ACDV). « Il s’agit d’utiliser les structures particulières du végétal pour proposer de nouvelles fonctionnalités. »
L’Ifmas (Institut français des matériaux agrosourcés) a par exemple développé un bioplastique dit « alvéolaire » destiné à l’industrie automobile. Plus léger, il permet aussi une isolation acoustique supérieure. « Nous orientons nos recherches en ce sens : sans être plus cher, le produit doit afficher de meilleures performances », explique son directeur François Ténégal. De nombreuses start-up, comme Avantium ou PAT, sont aussi positionnées sur ce créneau. « Les applications sont nombreuses, dans les cosmétiques, les lubrifiants, les plastiques, les peintures, les engrais, les composites… » indique Didier Le Vely.
Cette nouvelle chimie verte, qui figurait avec les biocarburants parmi les 34 plans de reconquête industrielle lancés en 2014 par Arnaud Montebourg (remis à plat par Emmanuel Macron), a bénéficié en France d’un coup de pouce public. Des pôles de compétitivité spécialisés, comme le pôle Industrie et Agro-Ressources, se sont créés, de même que des instituts comme l’Ifmas.
Les applications devraient se multiplier, à condition que les pouvoirs publics continuent de jouer le jeu. « La loi sur la transition énergétique a interdit les sacs plastiques, mais il n’existe pas encore de filière de recyclage pour le plastique biosourcé et biodégradable », explique Caroline Pétigny. La direction est tracée, mais le chemin risque d’être encore long, compte tenu du prix du pétrole et du poids de l’existant.