La Commission est accusée de bloquer les politiques nationales de déchets et de recyclage à travers l’UE. De fait, seuls deux pays ont mis en place des stratégies d’économie circulaire.
L’efficacité des ressources est en hausse à travers l’UE, avec une utilisation en baisse de 12 % entre 2000 et 2014. Pourtant, seuls l’Allemagne, les Pays-Bas et la Flandre ont mis en œuvre un plan d’économie circulaire, selon une recherche de l’agence européenne pour l’environnement publiée le 9 juin.
L’année dernière, la Commission a présenté son paquet sur l’économie circulaire, comprenant des lois sur les déchets, le recyclage et les décharges, afin de faire face à une population grandissante et à des ressources épuisables.
Le premier vice-président de la Commission, Frans Timmermans, responsable de la stratégie du « mieux légiférer » de l’exécutif, avait supprimé une version élaborée par l’administration Barroso en 2014, car elle n’était « pas assez ambitieuse ».
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Ce retard a ralenti l’adoption de stratégies nationales pour l’économie circulaire puisque les gouvernements attendaient de voir les changements que l’exécutif faisait au paquet jeté à la trappe, ont expliqué des écologistes.
« L’approche de la Commission Juncker, et en particulier de Frans Timmermans, est contradictoire. D’un côté l’exécutif retarde la prise d’action et d’un autre, il promet un paquet plus ambitieux. Finalement ce ne sont que des excuses et des messages confus envoyés aux États membres qui veulent aller de l’avant », a déclaré Reinhard Bütikofer, coprésident du parti écologiste européen.
« C’est une autre preuve montrant que la suppression de la première proposition nous a fait perdre 18 mois et entravé l’action des gouvernements nationaux, alors que c’est à ce niveau que les politiques deviennent réalité et que les ressources peuvent être économisées », a déclaré Meadhbh Bolger, responsable de l’utilisation des ressources chez les Amis de la Terre Europe.
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Le paquet sur l’économie circulaire est actuellement examiné par le Parlement européen et par les ministres européens de l’Environnement – ce qui aurait dû avoir lieu il y a un an si le vieux paquet n’avait pas été supprimé. Le Parlement et le Conseil doivent approuver un texte identique pour qu’il devienne une loi.
L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) a déclaré à EurActiv qu’elle n’avait pas assez d’information pour comprendre pourquoi seules trois stratégies avaient été mises en place à ce jour.
Selon l’AEE, les stratégies allemande et flamande précèdent les deux paquets de la Commission.
Plusieurs pays, comme le Royaume-Uni, l’Irlande, le Portugal, la France, le Danemark et la République tchèque ont exprimé leur soutien à l’économie circulaire, mais n’ont pas encore transposé cet enthousiasme dans une stratégie, a constaté l’AEE.
Déchets et écoconception
La majorité des initiatives politiques sur l’économie circulaire concerne la gestion des déchets. Seules quelques unes se concentrent sur la hausse du taux de recyclage et une utilisation accrue des matières premières secondaires.
Le nouveau paquet de la Commission sur l’économie circulaire va plus loin en intégrant, par exemple, des règles sur la conception pour rendre les produits plus faciles à recycler.
Par ailleurs, le nouveau paquet abaisse cependant les objectifs 2030 pour le recyclage municipal et les déchets d’emballage. Pour les déchets municipaux, le nouvel objectif est 65 % au lieu de 70 % et pour ceux d’emballage, il est de 75 % au lieu de 80 %. Ces objectifs devraient être revus à la hausse par les eurodéputés.
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« Les propositions de la Commission se révèlent plus ambitieuses en théorie qu’en pratique, il sera donc plus difficile de rassembler assez de courage de suffisamment de pays pour faire avancer le projet d’économie circulaire », a déclaré l’eurodéputé Reinhard Bütikofer.
« C’est une situation des plus déplorables, car il ne fait aucun doute que les technologies de recyclage et d’efficacité des ressources devront être au centre de la stratégie de compétitivité industrielle de l’Europe », a-t-il ajouté.
« Le nouveau paquet ambitieux de la Commission envoie un signal fort à ceux qui sont prêts à investir dans l’économie circulaire. La transition est déjà en marche. Les parties prenantes, dont les États membres, l’industrie, la société civile et les PME sont motivés pour aller de l’avant », a pour sa part assuré un porte-parole de la Commission.
Efficacité des ressources
L’efficacité des ressources consiste à faire un meilleur usage des matériaux tels que les métaux, les carburants, les minéraux. Elle occupe une partie importante de l’économie circulaire, où les ressources sont réutilisées et recyclées autant de fois que possible.
Les ressources utilisées par les citoyens de l’UE ont chuté de 15,5 à 13,1 tonnes, indique le rapport de l’AEE.
Selon l’agence cependant, seuls trois pays, l’Autriche, la Finlande et l’Allemagne ont une stratégie pour améliorer l’efficacité des ressources en général. L’Écosse et la Flandre aussi.
Pour l’AEE, l’amélioration de l’efficacité énergétique est motivée par la volonté d’accroitre sa compétitivité économique, d’améliorer la sécurité énergétique et des matériaux en réduisant sa dépendance vis-à-vis des importations, et de protéger l’environnement.
Des politiques plus solides en matière d’énergie, de ressources, de gestion des déchets et d’économie circulaire étaient nécessaires pour s’assurer qu’il n’y a pas de retour possible vers un modèle où la croissance économique va de pair avec une utilisation accrue des ressources, explique l’AEE.
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Le rapport révèle aussi que :
- la majorité des améliorations concernant la productivité des ressources avaient eu lieu entre 2007 et 2014. Les gains ont principalement été dus au fort déclin de l’activité de construction, conséquence de la crise économique de 2007-2008 ;
- la plupart des pays (26) ont identifié certains flux de déchets et matières secondaires en tant que matériaux prioritaires. Les flux de déchets clés sont les plastiques et les emballages (pour 17 pays), les déchets de construction et de démolition (16 pays) et les déchets alimentaires (15 pays) ;
- les sources d’énergie, comme les combustibles fossiles, et les renouvelables, ont été mentionnées par 18 pays en tant que ressources prioritaires ;
- la production est le secteur économique clé le plus cité pour améliorer l’efficacité des matières premières, suivie par l’agriculture, la foresterie, la construction et la gestion des déchets.