Pour lutter contre les conséquences du réchauffement climatique, des architectes imaginent des structures flottantes capables de nettoyer l’atmosphère, de refroidir les océans et de faire repousser les coraux.
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Au coeur de l’Antarctique, un imposant édifice blanc immaculé domine le paysage polaire. Tel un immense iceberg, Heal-Berg, la ville flottante imaginée par deux architectes diplômés de l’université des arts appliqués de Vienne (Autriche), l’Iranienne Saba Nabavi Tafreshi et l’Italien Luca Beltrame, s’intègre parfaitement à son environnement. Mieux encore, elle l’aide. Dans l’esprit de ses créateurs, cette cité des glaces a pour mission d’inverser le processus de réchauffement de la planète en extrayant le CO2 de l’air et en abaissant la température des océans. Au sein de sa structure en nid d’abeille, des drones-modules d’habitations aux allures de petits appartements volants hébergeraient des réfugiés climatiques dans les sites les plus fragilisés de la planète, comme les pôles, mais aussi le Bangladesh, Madagascar ou Hong Kong. Ces structures seraient reliées au monde extérieur par Hyperloop, un système de transport par tubes qui acheminera hommes et marchandises à une vitesse incroyable. Ce concept de bâtiment futuriste, récompensé en 2017 par la mention honorable du concours d’architecture eVolo, illustre la démarche nouvelle de créateurs qui ne se contentent plus de ne plus polluer, mais veulent que leurs oeuvres aient un impact réparateur sur la nature.
Refroidir l’eau, puis l’air
Et les technologies existent. Heal-Berg s’appuie uniquement sur des méthodes déjà opérationnelles ou testées avec succès en laboratoire. Le bâtiment intégrerait ainsi un dispositif de pompage des eaux profondes pour refroidir les couches superficielles de l’océan, ce qui permettrait d’abaisser la température de l’air, liée intimement à celle de l’eau. Une manière de ralentir la fonte des glaces. Autre innovation, de gigantesques turbines éoliennes, positionnées à quelques mètres au-dessus de l’eau, produiraient de l’énergie électrique mais captureraient aussi le CO2 de l’air pour le soumettre à un bombardement de rayons laser. Ce procédé, découvert par des chimistes de l’université de Californie, à Davis en 2014, fait éclater la molécule, ce qui permet de récupérer de l’oxygène d’une part et un atome de carbone d’autre part. Le carbone, organisé en monocouche de l’épaisseur d’un atome, produit alors du graphène : un matériau aussi solide que léger, idéal pour construire par la suite de nouveaux Heal-Berg sur d’autres sites vulnérables. Ces trois turbines éoliennes géantes, auxquelles s’ajouteraient de nombreuses turbines plus petites disséminées le long des parois, constitueraient la première source d’énergie du Heal-Berg, qui serait donc entièrement autonome. D’autres unités de génération d’énergie seraient placées au sein de la partie immergée de Heal-Berg, selon le principe du gradient de salinité. Utilisable dans les estuaires des fleuves, où l’eau douce arrive au contact de l’eau salée, cette technologie consiste à exploiter l’énergie produite par les ions qui traversent une membrane les séparant de deux eaux de salinité différentes. Cette énergie propre, d’ores et déjà sortie des laboratoires, sera bientôt sur le marché. En France, la start-up bretonne Sweetch Energy vient par exemple de réussir une première levée de fonds et envisage des applications commerciales d’ici à cinq ans.
Restaurer le récif corallien
Mais le réchauffement climatique ne se limite pas aux régions polaires, ainsi d’autres architectes ont planché sur des solutions pour lutter contre une de ses plus lourdes conséquences dans les zones tropicales : la disparition des récifs coralliens. Pour stimuler la croissance des coraux, les Chinois Jia Yue, Shi Yuqing, Wang Haoyu, Li Zhibin, He Run et Yu Songqiao ont imaginé une base flottante verticale et mobile, baptisée Reebalance. Des tours marines abriteraient à chaque étage trois cellules, comparables à de petits aquariums, où seraient recréées des conditions similaires à celles des eaux de surface où poussent le mieux les coraux. Les boutures, prélevées des Maldives à la mer de Chine, y recevraient un parfait dosage de leurs nutriments préférés. En poussant en hauteur, les coraux bénéficieraient d’un ensoleillement idéal, sans nuire aux autres espèces marines en empiétant sur leur espace vital. Pour fonctionner, l’édifice miserait sur l’énergie thermique des mers. Son principe est d’utiliser la chaleur de l’eau de surface pour faire passer à l’état de vapeur de l’ammoniac, qui actionne ensuite une turbine. La vapeur d’ammoniac est alors refroidie par des eaux captées en profondeur, et peut être à nouveau utilisée. Un carburant gratuit pour une énergie propre et perpétuelle. Même si Heal- Berg et Reebalance ne sont pas près d’être construits, ils nous montrent que des solutions existent pour restaurer les équilibres de la planète.
Liuzhou Forest City, la ville autonettoyante
Avec 40 000 arbres et un million de plantes pour 30 000 habitants, la ville nouvelle de Liuzhou Forest City (Chine), dessinée par l’architecte italien Stefano Boeri, comptera plus de végétaux que d’êtres humains. Sa construction, en cours, devrait s’achever en 2020. Autonome en énergie grâce à son réseau de géothermie et à ses panneaux solaires,
Liuzhou Forest City pourra absorber chaque année 10 000 tonnes de CO2 et 57 tonnes de polluants, tout en produisant 900 tonnes d’oxygène. Conçue pour améliorer la qualité de l’air et diminuer la température extérieure, cette ville antiréchauffement climatique est destinée à reloger dans les meilleures conditions les populations qui fuient la misère des campagnes.