Geneviève Férone Creuzet a fondé ARESE, première agence française de notation sociale et environnementale sur les entreprises cotées avant de devenir directrice du développement durable du Groupe Eiffage et Veolia Environnement. Aujourd’hui, Geneviève est co-fondatrice et présidente de Casabee, cabinet de conseil en stratégie qui accompagne les collectivités et les entreprises dans la transition écologique.
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1) Vous êtes l’une des pionnières de la RSE et de la finance ‘responsable’. Comment qualifieriez-vous l’évolution des entreprises à cet égard ces dernières années?
L’évolution est lente, trop lente compte tenu de l’acuité et de l’urgence des enjeux. La RSE et la finance responsable pourraient être des leviers beaucoup plus efficaces pour transformer le capitalisme en profondeur. La RSE a ainsi été institutionnalisée et en quelque sorte dépourvue de forme d’opposabilité. C’est devenu un exercice de communication et de reporting, à côté de la stratégie des entreprises et loin des organes de gouvernance. Les investisseurs responsables devraient aller jusqu’au bout de leur engagement et voter en Assemblées Générales en cohérence avec leur positionnement; nous en sommes loin.
2) Pour favoriser une transformation efficace, pensez-vous qu’il soit préférable de travailler au sein ou hors des entreprises?
Je reste convaincue que le secteur privé constitue un levier et force formidable pour changer le monde, cela serait dommage de s’en priver. Cependant, force est de constater que les entreprises ne peuvent rien faire sans l’accès au capital et leurs actionnaires; il faut donc aussi persuader les investisseurs à financer des modèles économiques durables et responsables et davantage le long terme.
3) Que faites-vous aujourd’hui concrètement avec Casabee?
Casabee accompagne les entreprises sur leurs territoires d’implantation et les aident à mettre en oeuvre des modèles d’écologie urbaine et industrielle, à réaliser des projets économiques en mode circulaire avec les parties prenantes locales. Nous sommes dans la réalisation de pilotes concrets et expérimentaux car c’est ce qui fonctionne le mieux. Par exemple autour de la revalorisation de la filière bois dans le cadre de l’efficacité énergétique à l’échelle du Massif Central.
4) A l’heure d’impératifs sociétaux et environnementaux cruciaux, des enjeux d’urgence climatique, croyez-vous en l’implication forte des entreprises comme acteurs du changement?
Je pense que les entreprises ne comprennent pas encore quelles n’ont plus le choix. L’enjeu numérique et celui de l’ubérisation les préoccupent beaucoup plus et le changement climatique reste un angle mort faute de fiscalité environnementale qui ne les atteint pas encore sur leur compte de résultats.
5) Si vous ne deviez choisir qu’un seul levier pour accélérer la transition, quel serait-il?
Une fiscalité environnementale, comme en Suède, pour créer enfin les emplois verts de demain. Il faut que les politiques aient du courage et donc que les citoyens que nous sommes se manifestent; c’est notre avenir qui est en jeu, Si la croissance à deux chiffres me parait une exception dans l’histoire de l’humanité, la prospérité est un beau projet qui reste à construire. Soyons curieux, ingénieux et solidaires.