Selon l’Ademe, la durée de vie d’un téléphone portable est de l’ordre de 10 ans. Pourtant, une enquête commanditée en 2015 par la Fédération française des télécoms révèle qu’il ne s’écoule en moyenne que 30 mois avant que nous ne renouvelions nos smartphones. À l’occasion de la Journée mondiale du recyclage, il est légitime de se poser la question du devenir de tous ces appareils passés de mode et pour bon nombre, encore utilisables.
vu sur :
Le marché de la téléphonie mobile se porte à merveille. Cela ne surprendra personne. Rien qu’en France, 24,6 millions de téléphones mobiles ont été vendus en 2015 dont 90 % de téléphones neufs et 84 % de smartphones (chiffres GfK et Deloitte). En cette Journée mondiale du recyclage, c’est la question de leur devenir qui se pose.
73,7 % des éléments d’un téléphone mobile sont recyclables (chiffre FFTélécoms, 2015) et c’est la carte électronique de nos smartphones qui a la plus de valeur en la matière. Palladium, cuivre, argent, étain, tantale, or, etc. Elle contient des matériaux valorisables à hauteur de 1,40 € par téléphone en moyenne (chiffres BRGM, 2015 et Orange, 2013). Et si on considère que 100 millions de téléphones mobiles dorment dans des tiroirs et qu’ils sont 10 millions de plus à venir grossir les rangs chaque année (chiffre Sénat, 2016), cela pourrait commencer à devenir très rentable !
D’autant que pour fabriquer ces 100 millions de téléphones dormants, ce ne sont pas moins de 1.600 millions de kilogrammes de CO2 qui ont été émis dans l’atmosphère soit l’équivalent de 50 voyages Terre-Lune (chiffres Ministère de l’environnement et du développement durable, 2015). Un sacré coût pour notre planète qui pourrait se transformer en sacré coup pour l’emploi. Car démanteler 100 millions de smartphones pourrait fournir de l’emploi à pas moins de 8.300 personnes (chiffre FFTélécoms 2015).
Découvrir l’infographie complète
Le recyclage des smartphones s’organise
Avec des cycles de vie toujours plus réduits, les téléphones mobiles deviennent rapidement inutilisés, mais on ne sait pas trop quoi en faire : en France, chaque année, on vend 20 millions de mobiles mais un million seulement sont recyclés. Progressivement, les filières du marché d’occasion et du recyclage se développent.
À force de changer de mobiles, les Français gardent plusieurs dizaines de millions de téléphones inutilisés dans leurs tiroirs, selon les professionnels du secteur, alors qu’il existe de nombreuses possibilités de les réemployer, les recycler voire les monnayer. Les chiffres donnent à réfléchir. Chaque année, près de 20 millions de mobiles neufs sont vendus. Or, un peu plus d’un million seulement (1.016.622 en 2011) sont collectés par les opérateurs membres de la Fédération française des télécoms (FFT).
Pourtant, ces deux dernières années, le marché a complètement changé, les simples portables laissant la place à des smartphones, téléphones haut de gamme branchés sur Internet, qui gardent une forte valeur même au bout d’une année ou deux d’utilisation. Par ailleurs, la croissance sur le marché français des offres sans téléphone subventionné, notamment avec l’arrivée de Free Mobile, incite les consommateurs à aller chercher leurs vieux appareils dans les tiroirs.
« Il y a maintenant un vrai marché de l’occasion », assure Christian Lefferère, directeur Europe du site de revente de téléphones Love2recycle, filiale du groupe Anovo lancée il y a 3 ans en France, qui constate « une explosion des ventes de produits de seconde main reconditionnés ». À chaque sortie d’un nouvel iPhone par exemple, « des gens revendent leur ancien modèle » avant d’acheter le nouveau, raconte-t-il, ajoutant que le site peut racheter un smartphone jusqu’à 400 euros.
Et si un portable n’a plus de valeur marchande, raison de plus de s’en débarrasser, mais dans une filière qui permette le recyclage de l’appareil.
Plus de 20 % des téléphones portables sont réutilisables
S’il y a dans les tiroirs de chaque ménage français « au minimum 3 à 4 téléphones portables », c’est souvent « par négligence ou tout simplement par ignorance », indique Guillaume Duparay, directeur du développement chez Éco-systèmes, un organisme spécialisé dans la collecte et le recyclage des déchets électroniques. « En plus, il y a un lien affectif avec les téléphones portables : on ne se voit pas jeter ces doudous qui nous ont accompagnés 18 mois », la durée moyenne d’utilisation, estime-t-il, d’autant plus que souvent ils détiennent beaucoup de données personnelles : répertoire, notes et agenda.
Il est donc important de savoir à qui les confier, en toute sécurité, avec un effacement des données garanti et donc une traçabilité de l’appareil. Eco-systèmes travaille avec les ateliers du bocage, une entreprise de recyclage située dans les Deux-Sèvres qui fait partie du réseau solidaire d’Emmaüs France et emploie une soixantaine de salariés rien que pour l’activité mobile. L’organisme « leur envoie les téléphones GSM dits “sans valeur”, et sur 100 téléphones, il y en a au moins 25 ou 30 qui pourront être réemployés », tandis que les autres seront démontés et recyclés dans des filières spécialisées, explique Étienne Delorme, chargé de la communication de ces ateliers.
Les ateliers du bocage « privilégient les téléphones qui peuvent avoir une seconde vie », en les réparant si besoin, en y supprimant toute donnée personnelle puis en les reconditionnant, raconte-t-il.
Ils ont ainsi traité 439.000 portables en 2011, dont 78 % obsolètes ou non réparables sont partis au recyclage. C’est alors de nouveau Eco-systèmes qui intervient en prenant en charge les flux de déchets qui partent chez des prestataires spécialisés. « On arrive quasiment à un niveau de recyclage maximum. Les process sont assez poussés avec des traitements au niveau de l’imagerie laser, de l’extraction minière pour aller chercher jusqu’au gramme de matière rare comme le cuivre et l’argent voire rarissime comme le coltan [un minerai contenant notamment du tantale, NDLR] », indique Guillaume Duparay.
Interview 5/5 : le recyclage des appareils électroniques. Devant leur abondance, le recyclage des objets électroniques est un défi posé par le développement durable. François Moisan, directeur exécutif de la stratégie et de la recherche de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), nous parle des solutions envisagées pour y répondre.