Depuis 2007, la proportion de la population urbaine a officiellement atteint 50% dans le monde. Une proportion qui dépasse déjà 70 % en Europe et en Amérique du Nord et qui augmente rapidement ailleurs. Désormais, les quelque 2 % de la surface de la planète de territoires urbains hébergent plus de trois milliards d’habitants et produisent plus de la moitié des richesses de la planète.
La protection de la nature dépend donc désormais de gens qui ne sont plus en contact direct avec elle. Et cela, même s’il existe une biodiversité à l’intérieur des villes, dont pigeons et platanes ne forment qu’une infime partie. L’écologie, en tout cas dans de nombreux pays, ne concerne plus qu’indirectement les campagnes et les forêts : elle est devenue urbaine.
Cette transformation nécessite de recréer ou de rendre visibles les liens qui existent entre des choix urbains et leurs conséquences le plus souvent invisibles et délocalisées. Car construire un immeuble ou une route, se rendre à son travail, faire ses courses, partir en vacances, choisir un régime alimentaire : tout cela a un impact sur l’environnement… Tout cela émet des gaz à effet de serre, utilise des produits chimiques plus ou moins toxiques, consomme des ressources variées. Tout cela pollue, parfois dans des villes-atelier à l’autre bout du monde, parfois au cœur même de nos cités.
Améliorer ou préserver le cadre de vie quotidien et urbain, c’est revenir à une définition de l’environnement comme ce qui nous entoure, au sens large. Et ce peut être l’objectif d’une nouvelle forme d’écologie urbaine, qui s’inscrit dans le cadre des objectifs des Nations unies pour le développement. Avec, en tout premier lieu, un enjeu majeur de santé publique, puisque, pour ne citer que cet exemple, 1,3 millions de personnes meurent chaque année à cause de la pollution de l’air extérieur – en grande partie à cause de la pollution automobile dans les villes du Nord. Et que 2 millions de personnes meurent à cause de la pollution de l’air intérieur, liée à de mauvais foyers de combustion, dans les pays du Sud.
C’est aussi une question de cohésion sociale car les problèmes écologiques menacent, comme toujours, davantage les plus vulnérables d’entre nous. Facture énergétique, migrations forcées, qualité de vie : face aux changements qui s’annoncent, il faut recréer de nouvelles solidarités, réapprendre à vivre ensemble. Et retrouver le sens de la convivialité, ce mot cher aux écologistes, qui sonne comme une invitation dans la ville moderne que nous connaissons, froide et impersonnelle. Car transformer la société ne sera possible que si nous parvenons à retisser des liens entre les citoyens : L’écologie moderne et urbaine est un nouvel humanisme.
La liste des chantiers est longue, de même que celle des initiatives exemplaires, des bonnes pratiques et des espoirs qui sont explorés par les mairies, les collectivités locales et les citoyens. Car les villes sont devenues un lieu d’expérimentation écologique sans pareil. Le secteur du bâtiment est ainsi celui pour lequel existe le plus grand potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Un bon double vitrage diminue les perte de chaleur de 15 à 20 %, tandis qu’un système d’éclairage à détecteur de présence, l’usage d’ampoules basse consommation et une meilleure gestion de la lumière naturelle permettent de réduire de 75 % la consommation d’énergie par l’éclairage domestique. Tout cela peut être réalisé au bénéfice direct et financier des habitants, en diminuant leur facture énergétique, notamment.
Ce dynamisme urbain est favorisé par le fait que les villes se situent au bon niveau politique pour aborder le problème : les maires disposent de suffisamment de pouvoir pour que leurs décisions pèsent et de suffisamment de proximité avec les citoyens pour pouvoir entendre leurs voix et répondre à leurs aspirations.
En voici deux exemples.
Tout d’abord le renouveau de Bogota, capitale de la Colombie. Deux maires, Antanas Mockus et Enrique Penalosa ont enchaîné entre 1995 et 2004 les réformes iconoclastes pour faire de leur villes, jadis l’une des plus dangereuses de la planète, un lieu de développement et bien-être. Ils ont mené par exemple, une campagne contre les incivilités routière, avec des clowns pour faire la circulation qui a diminué les accidents mortels de moitié. Ou une campagne contre la violence, et le taux d’homicide a chuté de 70 %. Ils ont également lutté contre la corruption et contre la drogue, encouragé le développement des transports en commun et des pistes cyclables,…
Ensuite, l’engagement de New York, contre le changement climatique. Alors que l’Etat fédéral est paralysé sur le sujet, de nombreux maires américains, et en premier lieu l’ancien maire de New York, Michael Bloomberg, prennent les devants, multipliant les initiatives pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Les maires des plus grandes villes du monde se sont même réunis pour partager leurs expériences dans une organisation appelée C40 – les grandes villes contre le climat. Au delà du climat, l’ancien maire a multiplié les initiatives, comme cette campagne contre les armes illégales – autour de l’ONG Mayors Against Illegal Guns…
Cette innovation politique et sociale incessante constitue l’atout principal des villes face aux immenses défis qui les attendent. Elle tient à la concentration sans pareil de talents que permettent les zones urbaines, et qu’elles encouragent en offrant un meilleur accès à l’éducation et à la culture – en particulier pour les femmes. C’est l’enjeu des années à venir, car il faut bien sûr changer le monde, mais il faut, d’abord, le réinventer tous ensemble.
Source : Huffington Post