Créer une « Organic’Vallée », ou le premier centre de l’économie circulaire de la matière organique, c’est le pari osé d’un groupe d’entrepreneurs du Lauragais, près de Toulouse. Concrètement, il s’agit de mettre en lien des activités autour de l’environnement, de l’agriculture et de l’alimentation pour lesquelles les déchets des unes seraient les ressources des autres. Il s’agit de « créer des boucles » de matière et d’énergie pour que les ressources d’un territoire soient utilisées au mieux.
Organic’Vallée : recycler la matière organique
L’un des fondateurs de ce projet est la société CLER VERTS, qui recycle les déchets verts ou organiques pour en faire du compost. Une partie de l’exploitation est dédiée au bois : le bois non traité récupéré est réutilisé en tant que combustible, alors que les déchets d’ameublement sont broyés pour faire des panneaux de particules, réutilisés en meubles : l’idée de recyclage est déjà bien ancrée chez CLER VERTS.
Sont récupérés également les déchets alimentaires de la restauration rapide, des supermarchés et des cantines : on voit donc s’amonceler des montagnes de plats préparés périmés, de fruits et légumes, de pain. Ils sont aujourd’hui broyés et mélangés aux tas de déchets végétaux pour faire du compost. « En revanche, on pourrait très bien en récupérer une bonne partie pour servir par exemple d’alimentation aux animaux », indique Jean-Luc Da Lozzo, fondateur de la société, en montrant un sac de pommes de terre presque intact. « Avec ça, les cochons se régaleraient. C’est le but du projet d’Organic’Vallée que de réutiliser des déchets comme des ressources et de créer des boucles de matière entre les activités ».
Plus d’une centaine d’emplois en perspective
Certaines boucles existent déjà sur le territoire. Des partenariats sont mis en place avec les agriculteurs : un éleveur de volailles bio voisin se débarrasse des plumes et des viscères de ses volailles et récupère du compost pour épandre sur ses champs. Un maraîcher bio s’est déjà installé sur les terres de l’Organic’Vallée et récupère le compost pour produire ses légumes.
Et la suite ? « Nous avons acquis 55 hectares de terrain. Nous pouvons installer une dizaine d’activités et créer plus d’une centaine d’emplois », précise Jean-Luc Da Lozzo.
Tomates, fromage et biogaz
Les activités prévues sont toutes centrées autour de l’agriculture et de la valorisation de la matière. Les maraîchers et les éleveurs récupèrent le compost et les déchets alimentaires de CLER VERTS ; une légumerie, une unité de séchage et une meunerie profitent des produits cultivés, et de l’énergie produite sur le site. Une unité de méthanisation et une chaudière à biomasse sont en cours de construction.
Des serres profiteront également de cette chaleur, qui produiront des fruits et légumes plus fragiles et récupèreront de l’eau par condensation qui alimenteront… les activités agricoles. Un fromager et un apiculteur souhaitent s’installer sur le site. Une maison a été réaménagée pour accueillir un incubateur d’entreprises, un espace de travail partagé et un centre de formation autour de la permaculture et de l’économie circulaire. Enfin, certaines activités plus originales seront aussi les bienvenues : production d’algues, élevage d’escargots ou production de champignons à partir de marc de café.
Jean-Luc da Lozzo se félicite : « Nous récupérons déjà le marc de café d’une société de distributeurs automatiques de la région. Aujourd’hui, nous en faisons du compost mais nous pourrions bien mieux le valoriser. Les pleurotes poussent particulièrement bien sur ce ‘déchet’. Une porteuse de projet va s’installer sur le site et produire ces champignons, destinés à la consommation locale. De plus, une fois que les champignons ont été cueillis, le reste fait un excellent compost enrichi qui peut servir aux maraîchers » : un bon exemple de boucle qui peut être réalisée sur le site entre les activités.
Dans l’Organic’Vallée, on invente donc une nouvelle forme d’économie, basée sur la coopération plus que sur la compétition, et permettant de relocaliser les circuits économiques en fonction des ressources existantes. « Il s’agit de récupérer les déchets organiques produits par la ville pour les transformer en nourriture pour l’alimenter », précise Jean-Luc da Lozzo. Plutôt intelligent, non ?
Relocaliser l’activité et les financements
Le modèle économique est coopératif : une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) a été créée en juin 2015. Cela permet à plusieurs acteurs (entreprises, associations, collectivités…) de se regrouper pour créer une activité économique sur le territoire.
Le modèle de financement aussi est participatif : la SCIC va lancer une levée de fonds courant 2016 pour financer son activité auprès des particuliers. « L’objectif est de ne pas recourir au financement bancaire, mais de faire appel à l’épargne citoyenne pour financer le projet. Prendre des parts dans un tel projet est aussi intéressant pour les investisseurs, car ils touchent des intérêts supérieurs à ceux des placements bancaires classiques ».
Le fonctionnement de l’Organic Vallée sera financé par l’installation des activités, puisque chaque porteur de projet qui s’installe va louer l’espace et rémunérer la SCIC en fonction de son chiffre d’affaires.
Un modèle pensé donc globalement, en transversalité, et complètement novateur en France. Et qui pourrait faire des petits : le ministre de l’Agriculture, Stéphane le Foll, en visite sur le site début novembre, a annoncé qu’il soutenait « ce beau projet, très cohérent, en espérant qu’il serve d’exemple à d’autres régions ». Des motivés ?
Source : ConsoGlobe