En pleine COP21, chaque Etat présente ses solutions pour atteindre collectivement l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à +2°C. Ces solutions sont très variées ; et comme pour les Etats qui veulent engager des politiques durables, les entreprises qui veulent s’engager dans le “green business” ont devant elles de nombreuses pistes aussi, à commencer par celle de l’économie circulaire.
Cela suppose de réfléchir à une meilleure utilisation des ressources en général, incluant le développement de l’éco-conception en amont, mais aussi des “filières matières” indispensables au succès et à la pérennité des politiques de recyclage. Penser et mettre en place cet ensemble demande du temps mais des initiatives intéressantes existent déjà.
L’économie circulaire, qu’est-ce que c’est ?
La réflexion se fonde sur le constat imparable – et élargi – que les ressources de la Terre sont finies et épuisables : il s’agit donc de diminuer le gaspillage des ressources afin de découpler la consommation des ressources de la croissance du PIB et sortir d’un système linéaire d’extraction des ressources pour aller vers un système où chaque matériau peut être réutilisé. Les ressources forment ainsi un cycle complet, donnant son nom à cette économie dite “circulaire”.
Selon l’ADEME, l’économie circulaire peut se définir comme “un système économique d’échanges et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement”. Le développement de l’économie circulaire est un terrain stratégique pour la France en tant que “pays développé” fortement consommateur de biens, de produits et de services de toute nature.
Le concept est en vogue, mais le champ d’action est vaste sur ce terrain encore jeune : faire évoluer le droit, les modalités de consommation et de production, favoriser l’innovation et l’éco-conception (mieux concevoir le produit à l’origine pour en faciliter sa réparation, sa réutilisation, sa transformation voire pour finir en faire un “meilleur déchet” c’est-à-dire une nouvelle ressource), créer des emplois nouveaux…
Avec les Grenelle de l’Environnement, la France a adopté quelques grandes lignes fondatrices en phase avec les principes de l’économie circulaire : par exemple, la réduction de la production de déchets, l’augmentation des taux de recyclage chez les ménages et dans les entreprises, etc.
L’économie circulaire, un modèle de “green business” en plein développement
Devant l’étendue des possibilités, il est parfois difficile de s’y retrouver. Une entreprise peut être acteur de la chaîne amont, de la chaîne aval ou intégrer pleinement ce concept sur toute sa chaîne de valeur. Une entreprise qui vend des pièces détachées d’occasion peut se revendiquer de l’économie circulaire car elle remet sur le marché une ressource vendue “neuve” par d’autres entreprises.
Dans la chaîne amont, les industries sont rares, l’éco-conception reste davantage du ressort des bureaux d’études. Les tentatives se cantonnent souvent à proposer un service de location d’un bien, tandis que les industriels se concentrent sur la valorisation des matières considérées comme des déchets dans l’économie linéaire ; c’est le cas par exemple d’ENNESYS, une entreprise innovante française, qui produit de l’énergie à partir d’eaux usées grâce à des micro-algues. Bon nombre de projets similaires sont recensés sur la toute nouvelle plate-forme www.economiecirculaire.org qui expose de nombreuses initiatives dans ce domaine.
Ces initiatives sont encourageantes. Elles créent de la valeur, de nouveaux emplois et participent à cette nouvelle croissance “verte”. Mais elles ne compensent pas le gaspillage de nos ressources naturelles, ni les inégalités de répartition des ressources. Ainsi François-Michel LAMBERT, Député et président de l’Institut de l’Economie Circulaire de rappeler qu'”il ne suffit pas de recycler nos déchets à l’infini sans remettre en cause notre mode de consommation. Le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas.”
Dans cette perspective – et conscient du caractère limité des ressources – l’idée d’économie circulaire fait son chemin petit à petit auprès d’acteurs divers. Même si les mauvaises habitudes de consommation ont la vie dure, on peut noter que dans le secteur de la grande distribution, on voit enfin apparaître un premier supermarché sans emballage. Dans le secteur de l’alimentation, de plus en plus d’initiatives veulent lutter contre le gaspillage alimentaire. Dans le secteur des biens de consommation courante, on ne compte plus le nombre de sites de revente, de dons ou de troc en ligne. Tous ces acteurs contribuent à la révolution des mentalités et tentent désormais de faire entendre leurs voix en se réunissant autour de l’association www.rcube.org qui vient de lancer son label de mobile d’occasion.
Et à l’échelle d’un territoire ?
Conscientes du rôle important qu’elles ont à jouer, les collectivités locales tentent de partager leurs bonnes pratiques à l’instar du rassemblement de Septembre accueilli par la Mairie de Paris (livre blanc ici). Car ces modèles fonctionnent pleinement soit sur de petits territoires, soit lorsque les citoyens prennent le sujet en main (via des coopératives de consommateurs par exemple) et agissent aux côtés des collectivités locales. C’est le cas par exemple à Samso au Danemark où la double action des citoyens et des autorités publiques a rendu l’île auto-suffisante en énergie et totalement décarbonnée. De nombreux territoires se mobilisent également, grâce notamment aux travaux de l’association Oree, pour permettre des “symbioses industrielles”, des synergies sur le modèle de l’économie circulaire où les déchets des unes servent de matières premières aux autres. L’exemple le plus connu est celui du port de Kalundburg.
On voit bien une volonté de tendre vers ce nouveau modèle mais on ne peut que constater un manque de coordination globale : trop peu de territoires et de citoyens sont véritablement engagés, certaines consignes de tri ne sont toujours pas généralisées, le système de taxes reste inégal sur nos territoires, encore beaucoup trop de ressources sont incinérées en France. En un mot, les villes françaises sont loin de la ville de San Francisco qui fait figure de modèle.
La transformation est donc progressive, que ce soit dans les entreprises, chez les habitants-consommateurs, dans les collectivités territoriales. Pourtant, tout le monde doit pouvoir participer à ce changement de paradigme. Nous avons la chance de vivre dans un monde connecté où Internet permet de faire émerger de nouveaux modèles collaboratifs, de nouveaux outils technologiques pour recenser les ressources d’un territoire, d’une entreprise ou d’un réseau de manière transparente ou pour informer les acteurs des initiatives locales.
Ces nouveaux modèles en marche suffiront-ils à sauver notre planète Terre ? Il est en tout cas certain que la réglementation, la pression citoyenne, la raréfaction de plus en plus visible des ressources naturelles conduisent les territoires et entreprises à adopter un modèle économique alternatif compatible avec l’impératif de lutter contre le dérèglement climatique. Pour autant, l’innovation technologique, commerciale et sociétale reste en plein devenir et laisse de belles perspectives de développement.
Source : Huffington Post