Vue aérienne de Londres (illustration). Crédits photo : Pixabay
A l’aube de la Smart City, beaucoup de questions se posent sur l’avenir de nos villes. En réfléchissant à notre place, la ville intelligente ne nous condamnera-t-elle pas à une certaine passivité ? Alors que la Smart City rationalise, optimise et organise, quelle place restera-t-il au hasard et à la sérendipité ? Ne faut-il pas un peu de chaos pour que nos villes restent avant tout humaines ?
C’est en ce sens que l’économie collaborative a un vrai rôle à jouer. Concrètement, quel sera son impact en matière d’urbanisme ? Comment va-t-elle nous permettre de combiner rationalité et humanité ?
Réinventer le « Vivre Ensemble »
Qu’on se rassure, la ville intelligente ne deviendra pas une ville (de) robot(s). Portée par les générations Y et Z, l’économie collaborative est l’expression d’une nouvelle façon de voir et de mener sa vie. Le monde du travail en est le premier témoin. Il est loin le temps où obtenir le statut de salarié était une fin en soi, ce temps où l’on travaillait sans trop se poser de question. Car tous les privilèges pour lesquels les générations précédentes étaient prêtes à sacrifier leurs journées (sécurité de l’emploi, retraite, assurance maladie…) sont sérieusement menacés de disparition. Il s’agit donc de trouver un autre sens à la notion de travail. De plus en plus de salariés font leur job-out et se lancent en freelance dans une activité qui aura plus de sens pour eux. D’un point de vue urbanistique, la principale conséquence est l’éclosion de tiers-lieux tels que les espaces de co-working et les fablabs. Dans chaque ville de France et d’ailleurs, ils poussent comme des champignons et offrent des conditions de travail associant convivialité, bien-être et coopération.
Mais cette mutation va bien au delà du monde du travail. Les espaces collaboratifs vont s’étendre à l’habitat avec l’apparition du co-living. C’est la modélisation du réseau social « in real life« . Chacun dispose de son propre studio mais plusieurs pièces restent communes telles que la cuisine, le salon, la salle de jeux, le jardin… Le tout avec des événements réguliers qui font vivre la communauté. Aux Etats-Unis, WeWork, leader des espaces de co-working, ne s’y est pas trompé et devrait lancer courant 2016 WeLive qui développera ses premiers espaces de co-living.
La vie de quartier revalorisée
L’économie collaborative transforme la ville, initialement lieu de consommation, en lieu d’échanges. Dorénavant, le but n’est plus de « posséder » mais « d’utiliser ». L’achat n’est plus le réflexe premier car d’autres possibilités s’offrent désormais à nous : louer, troquer, emprunter…
Prônant des valeurs de proximité et d’authenticité, l’économie collaborative tend vers le développement des circuits courts, avec pour conséquence une “miniaturisation de l’économie” . Qu’entendons-nous par là ? En quête de sens et de transparence, les consommateurs auront davantage tendance à se tourner vers les commerces de proximité que vers l’anonymat des zones commerciales périurbaines. Et cela pourrait avoir un réel impact sur nos centres-villes qui en sortiront dynamisés et revitalisés.
La finance participative, avec des plateformes telles que Bulb In Town, invite également les citadins à financer directement des initiatives entrepreneuriales locales. Ainsi le crowdfunding permet à chacun de s’impliquer dans le développement économique de son quartier.
Le citadin devient acteur de sa ville
Sans basculer dans un angélisme exagéré, l’économie collaborative, c’est aussi l’économie du partage et de l’échange. Et pour cela, la ville s’avère être un formidable terrain de jeux. Pour favoriser la convivialité et développer les interactions, on assiste à l’apparition d’un nouveau mouvement : l’urbanisme tactique également appelé hacking urbain. A l’opposé des grands projets d’aménagement dont les citadins ne sont que spectateurs, les initiatives d’urbanisme tactique sont lancées par les habitants et se font à petite échelle sur du court terme. Le but reste simple : développer du capital social, prendre du plaisir à vivre ensemble. Il peut s’agir de “parking days” , journées durant lesquelles certaines places de parkings sont transformées en espaces conviviaux et végétalisés. Prenez des plantes vertes, un rouleau de gazon (faux ou vrai), des fauteuils et le tour est joué ! Autre forme de hacking urbain, le guerilla gardening consiste à planter des végétaux partout dans la ville, même dans les endroits les plus insolites.
Bref, les possibilité de hacking urbain sont multiples et n’ont pour limite que l’imagination des habitants. Et leur enjeu va bien au delà d’une simple rigolade entre voisins. L’urbanisme tactique encourage la mobilisation et l’implication des habitants dans leur quartier et leur permet de se ré-approprier la ville et de ré-enchanter l’expérience urbaine.
Vers une plus forte implication des citoyens
Depuis longtemps, le processus de concertation entre la mairie et les habitants s’est « notabilisé ». Les CIL, conseils de quartier et autres associations locales ont fini par devenir eux-même des techniciens experts et ne représentent plus vraiment le citoyen lambda.
L’économie collaborative peut améliorer le processus de co-construction. Car désormais des applications sont développées pour aller vers plus de démocratie participative. On peut principalement citer Fluicity qui facilite le dialogue entre le maire et les citoyens.
La démarche peut même aller plus loin. A Barcelone, les fablabs mettent à disposition des « Smart Citizen Kits » qui contiennent des instruments permettant de mesurer la qualité de l’air, le taux d’humidité, le niveau sonore, la température… De cette manière, les citadins s’impliquent dans la construction de leur ville intelligente. Quand l’économie collaborative vient au service de la Smart City…
Loin d’être l’antonyme de la Smart City, l’économie collaborative se développe grâce et à travers elle pour permettre aux citoyens de rester acteurs de leur vie et de leur ville. Encore faut-il que l’économie collaborative reste vraiment collaborative et ne passe pas aux mains de grands monopoles (AirBnb, Uber ou TaskRabbit). Mais ça c’est un autre débat…
Source : Céline Beaufils pour Urbanews.fr