L ’écoquartier de Fujisawa, à l’ouest de Tokyo. Comme cette cité intelligente, qui déploie massivement ses panneaux solaires, l’écoquartier de Sendaï multiplie les innovations pour utiliser les énergies renouvelables et avoir moins recours au nucléaire.
Des enfants jouent sous le soleil. De petits immeubles de quatre étages d’un côté et un petit lotissement de charmants pavillons de l’autre, l’ensemble entouré de vastes rizières déjà verdoyantes. Bienvenue dans l’écoquartier expérimental de Tagonishi situé à 30 minutes du centre-ville de Sendaï, capitale de la préfecture de Miyagi.
En se promenant dans les rues très proprettes de ce nouveau lieu de résidence à peine sorti de terre, on a du mal à imaginer les dévastations provoquées au même endroit par le terrible tsunami du 11 mars 2011. Un tiers de la ville de Sendaï – un million d’habitants – a été inondé, des centaines de maisons rasées et le bilan des victimes a frôlé le millier de morts.
« Au lendemain de la catastrophe, nous avons voulu essayer de créer quelque chose de nouveau, explique Igari Ken Ichiro, en charge de la reconstruction et de l’énergie à la municipalité de Sendaï. Nous avons donc lancé une expérimentation d’écoquartier et de “village intelligent”, à la fois pour les sinistrés et les populations de la classe moyenne. »
L’État, la municipalité et le secteur privé ont été sollicités pour lancer ce projet sur 16 hectares, qui offre aujourd’hui, moins de quatre ans après la catastrophe, 176 logements et 16 maisons dont deux adaptées à des propriétaires possédant une voiture électrique, pour un coût total de 30 millions d’euros.
« NE COMPTER QUE SUR LE SOLAIRE ET LE GAZ POUR ALIMENTER EN ÉNERGIE UN QUARTIER OU UNE VILLE »
« L’investissement global est important pour une ville comme la nôtre mais l’objectif est d’en faire un exemple pour d’autres lieux dans la préfecture », explique Igari Ken tout en modérant son enthousiasme.
« Il existe d’autres expérimentations du même genre au Japon car notre pays n’a pas de ressources naturelles, ni charbon ni gaz. Mais réussir à ne compter que sur le solaire et le gaz pour alimenter en énergie un quartier ou même une ville entière prendra encore beaucoup de temps. »
Prudence ou modestie toute japonaise ? Difficile à dire mais on sent bien que les partenaires privés comme Kokusai Kogyo ou Toshiba sont en phase de recherche intensive pour économiser toujours plus d’énergie.
Un des managers de Kokusai Kogyo s’approche de ce qu’il appelle le « centre d’énergie » de Tagonishi, petite bâtisse élégamment entourée d’une barrière de sécurité en barbelé et en bois. À l’intérieur, de grosses armoires électriques, des convecteurs, des compteurs, des câbles, des écrans, des interrupteurs, des batteries de stockage… le tout connecté à un ordinateur central.
On se sent au Japon où l’intelligence informatique et la robotisation ont déjà répondu aux besoins spécifiques d’une société très peuplée vivant sur un territoire exigu.
UN APRÈS FUKUSHIMA
« Ici, c’est le cœur de notre système, présente Kiyonari Kato, manager chez Kokusai Kogyo. C’est une sorte de tour de contrôle du stockage, de la distribution et du contrôle de l’énergie pour tout le quartier. » Avec un collègue ingénieur, ils présentent des schémas très sophistiqués du fonctionnement du système.
« Nous arrivons à réguler la consommation d’électricité que chaque ménage peut également contrôler dans son appartement ou sa maison : l’eau chaude, le chauffage, l’alimentation pour la voiture électrique ou la consommation même de l’eau. »
Déjà, dans le moindre appartement au Japon, des écrans de contrôle font apparaître la consommation quotidienne d’électricité. Depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima, la population s’est mise de façon très disciplinée à économiser encore plus.
Avec un seul des 58 réacteurs nucléaires aujourd’hui en marche (le nucléaire fournissait un quart de l’électricité du pays), le Japon a réussi à compenser avec davantage de pétrole et de charbon (émettant plus de CO2) mais aussi grâce à de grosses économies et à la multiplication de systèmes faisant appel aux énergies renouvelables.
Le Japon, sixième émetteur mondial de gaz à effet de serre, s’est engagé à réduire ses émissions de 26 % entre 2013 et 2030, une contribution jugée insuffisante par les écologistes et des experts. Les énergies renouvelables verraient leur part portée à 22-24 % d’ici à l’année budgétaire 2030 (avril 2030-mars 2031), contre 11 % sur l’année achevée fin mars 2014.
DES FRAIS D’ÉQUIPEMENT COMPENSÉS PAR DES ÉCONOMIES SUR LA FACTURE D’ÉLECTRICITÉ.
Si la technologie peut apporter de nombreuses solutions aux problèmes de pollution, même le manager de Kokusai reconnaît que sans un nouvel état d’esprit de l’opinion publique « rien ne sera possible ». Les habitants des HLM de Tagonishi bénéficient d’aides municipales directes.
Les propriétaires de maisons individuelles ont dû payer un surcoût à l’achat et doivent en outre s’acquitter de 100 € mensuels pour la location du boîtier informatique installé chez eux, des frais qui seront compensés en dix ans par des économies sur la facture d’électricité.
Ils ont aussi participé à de nombreux ateliers locaux afin de bien comprendre la logique du système. « Un esprit de communauté est indispensable, insiste Kiyonari Kato. Il faut que tous soient solidaires, méticuleux, soucieux du bien commun afin que nos technologies sophistiquées puissent être utilisées au mieux. »
En évoquant l’avancée technologique du Japon dans la recherche sur l’hydrogène, qui ne rejette aucune substance polluante, seulement de la vapeur d’eau, Kiyonari Kato reconnaît qu’un immense marché s’ouvre.
« Des maisons sont déjà dotées de piles à combustible alimentées par de l’hydrogène, dit-il. Toutes les grandes compagnies japonaises travaillent dans ce secteur car les espoirs sont immenses mais c’est encore un peu coûteux et il va falloir du temps. »
DORIAN MALOVIC pour La Croix