Des collectivités démontrent leur capacité à se transformer à l’occasion d’une crise et tirent parti de leur vulnérabilité. La résilience se manifeste comme la capacité d’adaptation d’un système pour affronter au mieux des perturbations.
Concept émergent, la résilience apporte un nouveau souffle à celui de durabilité en impliquant les populations concernées lors de situations de crises. Le projet “Villes et territoires résilients“, conduit par le Commissariat général au développement durable (CGDD), s’intéresse à des villes et des territoires pouvant connaître des “chocs” plus ou moins brutaux : fermetures d’entreprises, difficultés économiques et sociales, risques d’origine naturelle ou accidents industriels, dans un contexte où le local est fragmenté par les tensions économiques inhérentes à la globalisation. A l’image de la commune de Feyzin, au cœur de la vallée de la chimie lyonnaise. Cette commune se pose la question de l’après-pétrole et imagine par anticipation les impacts d’une fermeture de la raffinerie.
Les exemples de shrinking cities (villes en déclin) résilientes abondent. Le plus connu est celui de la ville de Detroit aux Etats-Unis. Décrite comme une ville fantôme suite à la fermeture des usines de Ford et à la crise des subprimes, la capitale du Michigan survit et se transforme à travers des activités associatives et artistiques et des potagers de quartier. Aux Pays-Bas, la Province de Limbourg, territoire de 1.120.000 d’habitants enclavé entre l’Allemagne et la Belgique, connaît une baisse démographique et une crise économique liée à la désindustrialisation et à la difficulté d’adapter les emplois à l’évolution technologique. Cette dérive pourrait conduire à la dégradation des logements, à l’abandon des services publics, à l’endettement de la collectivité. Ancienne cité houillère de cette province, la ville de Heerlen a mobilisé une stratégie de requalification urbaine : une plate-forme économique rassemble 600 entreprises autour de l’économie verte, en particulier l’horticulture et l’agro-alimentaire.
Le pouvoir de se reconstruire
En Pologne, à Łódź (700.000 habitants), l’économie de marché et l’intégration européenne ont déstabilisé le modèle industriel, tandis que le patrimoine urbain ancien de la ville se dégrade et que se développent des poches de pauvreté. Depuis les années 1990, la ville s’est engagée dans une diversification de ses activités, autrefois centrées sur le secteur textile, désormais frappé par la concurrence internationale. La population a créé une plate-forme d’échanges de textiles, structurée autour d’un marché de gros et de détail qui ont créé des milliers d’emplois. Des actions de régénération de l’image de la ville ont été engagées, s’appuyant sur la richesse culturelle héritée du passé. L’art cinématographique a été placé au cœur du projet de rénovation du centre-ville et a catalysé la revitalisation urbaine et la rénovation du bâti. Fonds privés et européens ont financé la reconversion d’anciennes friches industrielles. Des initiatives de solidarité intergénérationnelle et d’économie sociale se sont multipliées dans les quartiers très touchés par la pauvreté.
En Bretagne, les mutations du monde agricole se traduisent par une baisse continue du nombre d’exploitations, le développement en parallèle des emplois industriels. Dans le Pays du Mené (Côtes d’Armor), l’abattoir, seule entreprise de plus de 50 salariés racheté par un groupe de grande distribution, représente à lui seul la quasi-totalité des emplois industriels et plus de la moitié des emplois de la Communauté de communes. “La communauté de communes du Mené est affectée à la fois par la situation périphérique du Centre-Bretagne des flux économiques métropolitains et par sa dépendance à une mono-industrie non-durable”, diagnostique le CGDD. La transition énergétique y devient une politique de résilience. Depuis une dizaine d’années, le Mené est plus particulièrement le berceau de projets orientés vers la production locale d’énergie renouvelable : usine de méthanisation (traitement des déchets d’élevage en vue de leur valorisation en énergie et en engrais), huilerie (transformation du soja produit localement en agro-carburant destiné aux marchés local et national), parc éolien financé sur un mode participatif, avec revente de l’électricité produite à EDF. D’autres projets sont développés en faveur des économies d’énergie : réhabilitation du bâti ancien, nouvelles constructions, véhicules électriques…
Leviers et indicateurs
Il importe d’appréhender les différentes échelles temporelles et spatiales afin de considérer la ville comme partie prenante d’un “système territorial” sur lequel agir, en intégrant les dynamiques en présence. Se placer dans une veille anticipative répond à la nécessité d’envisager les perturbations du territoire, endogènes ou exogènes, pour les éviter ou en limiter les effets. Reconsidérer les liens entre les acteurs vise à établir un cadre d’action favorable à la dynamique de projet. Le tout en mobilisant les forces propres du territoire.
Le CGDD propose une série de leviers sur lesquels s’appuyer pour mettre en oeuvre des stratégies de résilience à l’échelle locale : “Les facteurs contribuant à améliorer les capacités de résilience d’un territoire sont en fait nombreux. On peut citer effectivement l’inscription dans la texture territoriale (histoire, culture), les liens et la confiance entre acteurs, mais aussi le sens donné à l’action, la valorisation et le développement du capital social (force des réseaux sociaux, des liens…) et le développement des capabilités”.
Les bases d’une méthodologie d’évaluation des indicateurs de résilience d’un territoire ont été posées. “Elles s’appuient sur l’établissement d’un profil territorial, croisé avec le projet politique local et des indicateurs de vulnérabilité. Les indicateurs peuvent être mobilisés tout au long du processus. Ex-ante, dans une logique préventive, ils doivent permettre d’identifier les risques environnementaux, économiques et sociaux auxquels un territoire est exposé, il est alors question d’indicateurs de vulnérabilité. Ex post, dans une logique d’évaluation, les indicateurs retenus devraient donner quelques éléments d’appréciation de la réussite ou de l’échec des actions mises en oeuvre en faveur de la résilience, en regard du projet territorial considéré”, estime le CGDD.
La résilience n’est pas un objectif à rechercher systématiquement : elle peut être au service d’un statu quo non démocratique, elle peut aller à l’encontre d’un changement souhaitable, note le CGDD. C’est un concept ambivalent, au carrefour de forces conservatrices et transformatrices. Tout dépend de la qualité des acteurs en présence et du degré de préparation des collectivités concernées.
Source : Actu-Environnement