Une épicerie de quartier, la Recharge, s’est ouverte dans le centre de Bordeaux. Tous les produits proposés à la vente sont sans emballage. Une initiative prometteuse alors que chaque habitant jette 125 kilos de plastiques et de cartons ménagers chaque année ! Les consignes sont de retour, sans oublier la volonté de maintenir des prix accessibles au plus grand nombre. Un commerce d’avenir.
A 24 et 23 ans, Jules Rivet et Guillaume de Sanderval ont décidé de prendre à bras le corps les problèmes économiques et écologiques auxquels est confrontée leur génération : ils viennent d’ouvrir, ce mois de juillet à Bordeaux, une épicerie locavore et sans emballage. Sans emballage ? C’est ce qui fait l’originalité de leur démarche, bien qu’il s’agisse là d’un simple retour au bon sens. En témoigne l’intérêt manifesté par les anciens du quartier, chagrinés du gaspillage actuel [1] et tout heureux de retrouver les pratiques de leur jeunesse, quand ils allaient à l’épicerie du coin remplir leurs bouteilles consignées d’huile, de lait ou de vin, ou leurs cabas de fruits et légumes.
« Si nous avons pu monter cette épicerie sans emballage, c’est parce que les producteurs sont des locaux, qu’ils peuvent venir nous livrer ou que nous pouvons aller chez eux et rapporter les cageots, bouteilles, sacs ou bidons vides pour les remplir à nouveau », précise Jules. Ainsi les 300 références disponibles actuellement au magasin proviennent d’une quarantaine de producteurs, paysans ou petits transformateurs d’Aquitaine ou de Charente pour la quasi totalité. Local’Halle bio, par exemple, est une structure coopérative qui réunit des producteurs de fruits et légumes situés à moins de 150 kilomètres de Bordeaux [2]. Tous les deux jours, la petite coop livre le magasin et récupère les cageots vides à chaque passage.
De la canette consignée au papier toilette vendu au rouleau
Pas de panique toutefois pour celles et ceux qui n’auraient plus chez eux les contenants adéquats : la boutique les vend, à réutiliser ensuite, ou les consigne. On pourra ainsi remplir son pot de miel de bourdaine des Landes, son bocal de lentilles de Charente, sa bouteille d’huile de tournesol de Dordogne, son sachet de tomates de la banlieue bordelaise ou de fromage pyrénéen, ou son flacon de lessive de cendre fabriquée par un petit atelier artisanal à quelques kilomètres du centre-ville [3]… Même le papier toilette évite les emballages, vendu au rouleau en provenance d’une petite fabrique d’Aveyron, le plus éloigné des fournisseurs… Quant à la bière, elle s’achète en cannettes consignées, livrées par un brasseur périgourdin qui cultive lui-même son houblon bio [4].
Des sceptiques diront que tout cela fait très dans l’air du temps, dans ce quartier en pleine gentrification, lui naguère sombre, humide et pauvre. Peut-être en apparence, mais avec un kilo de tomates à 1,80 euro ou un litre d’huile de tournesol bio à 1,70 euro, on est loin de l’épicerie de luxe et souvent en dessous des prix de la grande distribution, volumes gaspillés en moins. « Nous nous sommes lancés en plein été, quand une bonne partie du quartier est en vacances, afin d’avoir un peu de temps pour se tester, se rôder, entendre les premiers « retours », pouvoir réajuster au besoin pour être vraiment en marche à la rentrée », commente Jules. Mais le succès a été immédiat. Quelques articles sur des sites écolos, un autre dans le quotidien régional, et les visites affluent, remplissant rapidement en fin de matinée et de journée les 80 mètres carrés de la boutique.
Ce qui surprend agréablement les deux jeunes associés, ce sont les nombreuses visites des habitants du quartier, quasiment tous contents de leurs premiers achats et discussions, prêts à revenir régulièrement, du moins d’après leurs dires… Pour l’instant, tout se fait à deux. Jules, diplômé de l’Institut d’administration des entreprises de Bordeaux, se charge plus particulièrement de la gestion, de la comptabilité, de la communication. Guillaume, titulaire d’un master droit et fiscalité de l’énergie, s’occupe de l’approvisionnement et des contrats avec les fournisseurs. Ils espèrent vivement qu’une troisième personne pourra bientôt venir les épauler. Un premier bilan sera fait à la fin de l’année pour voir si et comment l’aventure pourra se poursuivre…
Notes
[1] Les initiateurs de la Recharge rappellent qu’en France, 125 kilos d’emballages ménagers sont jetés, par an et par habitant. En 30 ans, le volume des déchets d’emballage a été multiplié par 5, voire par 50 pour certains matériaux comme le plastique
[3] La lessive vendue sous la marque « 100 % Gironde » est à base de cendres de bois en majorité récupérée, saine, chez des particuliers volontaires. La marque fabrique d’autres produits d’entretien à base de cendre (potasse) ou de bicarbonate : 100pour100gironde.fr