Focus sur le Voralberg
Une démarche écoconstructive, moteur d’un dévelopement durable intégré
Tout commence au début des années 80, quand un groupe d’architectes et de charpentiers du Vorarlberg crée le mouvement des Baukünstler (mot dérivé de Baukunst, « art de bâtir ») dont les nouvelles conceptions visent à développer une architecture qui s’oppose au conservatisme ; une architecture d’émancipation qui se fonde toutefois sur le matériau, les ressources identitaires et les savoir-faire traditionnels du Vorarlberg : le bois et ses métiers, l’habitat uni-familial, une urbanité de bourgs… Si l’architecture du Vorarlberg sort des impasses régionalistes habituelles, c’est que le ciment de l’affaire n’est pas en premier ressort la construction d’un style mais celle, collective, d’une nouvelle démocratie urbaine. Celle-ci est fondée pour partie sur une vision déjà très installée de l’écologie politique qui puise ses racines dans les années 70, lors des grandes mobilisations citoyennes contre l’implantation d’une centrale nucléaire chez les proches voisins suisses ou, plus tard, dans la volonté affirmée au plan fédéral de développer des solutions énergétiques alternatives à l’atome. Ce groupe d’architectes et de créateurs natifs du Vorarlberg commence à se faire connaître sur la scène internationale à travers diverses publications. Il se désigne d’abord en tant que nouvelle Bauschule Vorarlberg – « école des constructeurs du Vorarlberg » – reprenant le nom des constructeurs d’églises baroques qui, natifs de cette province, avaient rayonné en Europe centrale au cours du XVIIIe siècle. Ils se réunissent chaque mois pour échanger des expériences mais souhaitent également ouvrir leurs débats à l’ensemble de la société civile. Constitué d’un petit groupe d’architectes à ses débuts, le noyau initial est rejoint plus tard par des élus et des entreprises gagnés à leurs idées.
Le relais des politiques publiques
Dès 1985, les Baukünstler, dont la réputation a déjà franchi les frontières, touchent les premiers dividendes de leur travail militant auprès des élus et des administrations du pays. À Lustenau, troisième ville du Land, le maire crée un conseil d’architectes indépendants et y nomme des membres issus du mouvement dont l’âge moyen est de 35 ans. Plusieurs communes nomment à la suite des comités d’urbanisme pour assurer la liaison entre les experts, les autorités politiques et la population. Au début des années 1980, les responsables régionaux de l’aménagement du territoire apportent également au mouvement un fort soutien. Ils sensibilisent les élus des collectivités locales à la qualité architecturale et les aident à organiser des concours d’architecture pour leurs équipements. À partir de 1988 – 1989, une vague de concours d’architecture s’organise dans tout le Vorarlberg pour la rénovation des équipements publics – écoles, centres communaux, casernes de pompiers, centres sportifs… Tous sont gagnés par les jeunes architectes.
Vers des standards les plus exigeants en matière énergétique
En 1989 – 1990, la création de l’Institut de l’énergie par le gouvernement du Vorarlberg apporte une impulsion supplémentaire au dialogue entre architecture contemporaine et développement durable. Cet organisme doit assurer la promotion des constructions exemplaires en matière de maîtrise de l’énergie et de respect de l’environnement par un réseau de correspondants qui apportent conseils et subventions aux constructeurs. L’Institut de l’énergie, appuyé par les politiques du Land, va dès lors faire évoluer les nouvelles constructions publiques et privées vers les standards les plus exigeants en matière énergétique en lançant en 1998 le programme des Passiv Haüser, concept de maisons exploitant les énergies alternatives et nécessitant des consommations proches de zéro. Ce programme bénéficie d’une politique d’encouragement forte au travers d’un dispositif de subvention intégrant l’ensemble des dimensions du développement durable. (cf. encadré). Les collectivités du Vorarlberg prennent pleinement leur part à ce mouvement et font assaut d’imagination pour concevoir, en s’appuyant toujours sur de larges concertations avec les habitants, des projets de développement urbain visant l’exemplarité et conjuguant au plus haut degré d’intégration, projet de vie locale, audace architecturale, standards énergétiques les plus avancés, et valorisation des ressources locales en privilégiant l’emploi des matériaux et des savoir-faire locaux. C’est le cas de Langenegg, petite commune de 1 000 habitants, qui grâce à la reconversion d’une ancienne ferme en centrale biomasse reliée notamment à la nouvelle école maternelle, au café et au supermarché -tous au standard passif 1-, bénéficie désormais d’un point de repère et de centralité ainsi que d’un lieu de vie au sein de la commune.
Maison passive
En 2006, une nouvelle étape est franchie avec la décision prise par le gouvernement du Land d’établir le label Maison passive comme standard imposé pour toute réalisation de logements sociaux, une démarche qui, selon le directeur de l’Institut de l’énergie, n’est pas plus onéreuse car les surcoûts de construction répercutés sur les loyers sont compensés par les économies de chauffage réalisées au fil du temps. Sans compter les avantages en matière de bien-être et de santé, car la qualité de l’air y est également mieux maîtrisée. Sûrs de leurs orientations, et confiants dans les solutions apportées, les acteurs du Vorarlberg ont d’ores et déjà réussi leur pari et tracent aujourd’hui le nouvel horizon de leurs ambitions, en visant désormais la généralisation de leur démarche par le biais de la rénovation, à l’ensemble du bâti existant. La preuve étant faite, comme l’explique le directeur de l’Institut de l’énergie, « qu’avec les bonnes décisions politiques, on peut changer très vite les données du marché et l’orienter vers une utilisation rationnelle de l’énergie ».
Découvrez l’architecture du Vorarlberg
Vorarlberg, une provocation constructive par caueisere
Source : Extrait du Hors-Série Développement durable 2009 de la LDL
Liens utiles :
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