L’ampleur prise ces dernières semaines par la pollution urbaine à Paris a amené le gouvernement à adopter des mesures de restriction de la circulation : au-delà des polémiques engendrées par cette décision, comment les autres villes appréhendent-elles ce problème ?
Si la circulation automobile est l’une des principales causes de pollution urbaine, elle n’en est pas la seule responsable : industrialisation, chauffage, incinérateurs contribuent aussi à rendre l’atmosphère irrespirable, créant un smog récurrent et entrainant des pathologies parfois graves, voire mortelles. Tous ces paramètres varient en fonction de la ville concernée. A travers l’exemple de cinq grandes agglomérations, tour d’horizon des mesures, parfois radicalement opposées, prises pour lutter contre ce fléau.
Berlin, ou la restriction de la circulation des véhicules polluants
La mise en place d’une zone de faible émission (LEZ pour Low Emission Zone), en 2008, dans la capitale allemande a entrainé une baisse de 58% des microparticules. Couvrant une superficie de 88 km², cette zone n’est accessible qu’aux détenteurs d’un véhicule peu polluant, affichant une vignette verte sur leur pare-brise. Une obligation surveillée de très près par les forces de l’ordre, puisque le contrevenant s’expose à une amende de 40 euros.
Le transport de marchandises est lui aussi concerné, les poids lourds devant décharger leurs marchandises en dehors de la ville. Ces dernières y sont alors acheminées par des véhicules moins polluants. Si l’impact sur les particules en suspension n’a pas été flagrant, la mise en place de cette zone a par contre contribué à une diminution des concentrations de dioxyde d’azote de 6 à 10%. Ce système de zone de faible émission existe dans une dizaine de pays européens.
Los Angeles, des arbres pour mieux respirer
Elle aussi confrontée à l’apparition fréquente d’un nuage de pollution, la ville de Los Angeles a créée dès la fin des années 1940 une agence publique chargée de ce problème. En dehors de mesures ponctuelles limitant les rejets industriels et les déplacements en voiture lors de pics de pollution, une politique volontariste de la part de la municipalité commence à porter ses fruits. En encourageant le développement des transports en commun, du covoiturage et de l’usage du vélo, en mettant en place des mesures fiscales favorisant l’énergie solaire, la ville espère atteindre, voire même dépasser les objectifs fixés par le protocole de Kyoto.
Mais l’originalité majeure du plan de réduction de la pollution se situe dans le programme Trees for a Green LA. Le maire Antonio Villaraigosa a annoncé la plantation d’un million d’arbres dans sa ville, tout en incitant les habitants à reboiser leurs jardins. Une initiative partagée par de nombreuses autres localités étasuniennes, la multiplication des espaces verts étant une solution éprouvée pour absorber les particules de CO2. La généralisation des toitures végétales complète cette initiative rendue plus que nécessaire. En effet, un quart des ménages de Los Angeles ont trois voitures ou plus, et la qualité de l’air en Californie du sud est la pire de tous les États-Unis.
Tokyo, le diesel hors la loi
Dangereux pour la santé en raison des particules qu’il émet, le diesel ne bénéficie pas à l’étranger de la même faveur qu’en France. Pour la municipalité de Tokyo, la solution a été pour le moins radicale, puisque les véhicules fonctionnant grâce à ce carburant et ne répondant pas à des normes très strictes ont été bannis de la ville pendant plusieurs années. Avec la mise au point de moteurs moins polluants, quelques véhicules diesels ont regagné l’agglomération, mais la popularité de ce type de motorisation reste en berne dans ce pays.
En parallèle, la ville a décidé de favoriser un tri sélectif devenu le plus stricte et le plus efficace des pays modernes. La plantation massive d’arbres, comme à Los Angeles, est prévue, et, plus anecdotique, mais témoignant de la volonté des pouvoirs publiques, le macadam des cours de récréation a été remplacé par de la pelouse. A rajouter au palmarès des mesures destinées à lutter contre la pollution : des règlementations très strictes limitant les émissions de gaz toxiques, des incitations fiscales afin que les foyers se dotent de panneaux à cellules photovoltaïques, et, depuis 2004, l’obligation de créer des jardins sur les toits des immeubles privés de plus de 1000 m², et publics d’au moins 250m².
Copenhague, la multiplication des vélos
Pour les villes dont la pollution est liée principalement à la circulation automobile, la mise en place d’un moyen de transport alternatif demeure la solution la plus sûre pour parvenir à faire baisser la pollution aux microparticules. La ville de Copenhague a ainsi décidé de favoriser la circulation en vélo, mettant en place de nombreux espaces réservés à ce moyen de transport propre. D’après des statistiques datant de 2009, la ville disposait de 35 000 places de stationnement pour vélo (pour 2 millions d’habitants), et de 360 kilomètres de pistes cyclables. Bénéficiant d’un système favorisant le partage de bicyclettes, les usagers du deux-roues peuvent aussi, en dehors des heures de pointe, emprunter trains et métros avec leur monture. Les résultats sont au rendez-vous, et depuis 2006, la part des usagers de transports en commun a augmenté tandis que le trafic automobile s’est réduit.
Hongkong, ou la qualité de l’essence
La qualité des carburants peut-elle aussi influer sur la qualité de l’air respiré ? A Hongkong, où la pollution de l’air est l’une des premières cause de mortalité, les autorités ont décidé, à partir des années 1990, de lutter contre les rejets de dioxyde de souffre en imposant une norme sur les carburants. Leur limitation en teneur en soufre, fixée à 0,5%, a permis de réduire de 53% les taux moyens de dioxyde (SO2) dans l’ensemble de la ville. Cette mesure, pourtant concluante, n’a malheureusement pas été suivie par des reformes plus poussées permettant d’épargner à la ville de nombreux pics de pollution. Mais cet exemple a inspiré l’adoption d’une directive européenne reprenant les mêmes principes, réduisant la teneur en soufre des hydrocarbures et permettant ainsi de diminuer sensiblement la pollution de l’air.
De la variété des initiatives
Ce panorama, limité à cinq grandes agglomérations, ne doit pas occulter d’autres solutions tentées ailleurs. La ville de Boulder, Colorado, a institué une taxe carbone locale, ainsi qu’une taxe sur l’électricité provenant des centrales au charbon. Aux Etats-Unis, l’une des nouvelles tendances de l’urbanisme favorise un retour à un habitat dense favorable aux piétons. De par le monde, les bâtiments écoresponsables sont devenus une nouvelle norme des projets architecturaux, minimisant la consommation énergétique et l’impact environnemental. L’incitation aux pratiques du cyclisme et du covoiturage permet quant à lui de faire baisser les émissions polluantes, tout comme le développement des transports en commun propres. La réduction de la vitesse, pratiquée dans des villes telles que Zurich, permet aussi de limiter les pics de pollution. Autre mesure, peut-être plus anodine, mais qui symbolise bien la volonté de trouver de nouvelles solutions : la ville de Minneapolis s’est équipée de feux de signalisation dotés de lumières LED, réduisant considérablement leur consommation énergétique.
Echecs et enjeux
La création de péages urbains, très en vogue il y a de cela quelques années, n’a quasiment pas contribué à une baisse significative de la pollution atmosphérique urbaine. Trois grandes villes européennes ont pourtant tenté l’expérience : Londres en 2003, Stockholm en 2006 et Milan en 2008. N’ayant qu’un faible impact sur la santé publique, ces mesures ont, de plus, eu tendance soit à déplacer les pollutions, soit à engendrer des problèmes sociaux. Le manque de transports de substitution a eu un rôle contre-productif et n’a pas permis de mettre en valeur cette initiative.
Des inégalités sociales peuvent aussi être exacerbées par les directives interdisant l’accès à l’agglomération aux véhicules les plus polluants : quid des habitants qui, pour des raisons financières, ne peuvent se permettre de remplacer leur vieux véhicule par un plus récent répondant aux normes ? La lutte contre la pollution inclut ainsi de nombreux paramètres, tant environnementaux que sociaux dont il faut prendre compte. Une complexité qui, si elle ne la justifie pas dans tous les cas, explique parfois la frilosité des politiques publiques.
Il y a pourtant urgence : asthme, infections respiratoires, maladies cardio-vasculaires, le nombre de décès par an, rien qu’en France, s’élève à 16.500 morts. Le coût, en Europe, des dommages sur la santé humaine est estimé à environ 600 milliards d’euros par an. Et l’adoption de mesures anti-pollution ferait, selon l’OMS, gagner près de deux ans d’espérance de vie.
Source : UrbanAttitude